Incroyable mais vrai ! Le graffiti à Nice est en pleine explosion !
29 novembre 2023Le graffiti à Nice est tout sauf une évidence ! Nous sommes tout de même dans la ville la plus proprette de France et certainement la plus surveillée ; ce qui ne peut arranger les affaires des graffeurs… Si vous cherchez du graffiti en centre ville, c’est peine perdue ! La baie des anges s’étend magnifiquement le long de la Belle Bleue et vous n’y verrez pas trace d’une bombe de peinture ! Et pourtant cette magnifique ville a vu naître l’un des plus grand pionnier de l’art urbain : Ernest Pignon Ernest !
Mais c’était sans compter sur l’étrange espace qu’est Le 109, un pôle culturel explosif à 10 minutes de la vieille ville ! Sincèrement je ne m’attendais pas à découvrir une telle explosion d’art urbain, ni un tel vivier de graffiteurs locaux… De quoi faire tourner les têtes des grands passionnés de graffitis et fresques que nous sommes ! À Nice le lieu commun « Il faut se méfier des apparences » prend tout son sens. Vous avez un doute ? Suivez-moi 😉
Œuvres incroyables et graffitis en stocks dans l’antre du 109 à Nice
C’est à l’extérieur du 109 que nous avons rendez-vous avec Andy, le niçois le plus passionné d’Art Urbain, et déjà j’ai cette sensation intérieure qui me dit que le spectacle va être mémorable ! Pénétrer dans Le 109, c’est rentrer dans les anciens abattoirs de la ville quelque peu réhabilités. Le lieu ce jour-là, à une journée de la fête des morts (drôle de coïncidence), était fermé et donc vide. Mais dès notre arrivée on ressent que c’est un lieu vivant et fort accueillant.
Une œuvre de Ben, artiste niçois également, trône à l’extérieur et d’autres ponctueront ma visite. C’est en passant par un hall afin d’accéder à la cour intérieure que j’ai le 1er choc ! Certes c’est un collage, mais surtout une œuvre à 4 mains que je ne connaissais pas réalisée par les artistes Ernest Pignon Ernest et Speedy Graphito ! Rien que cela !
Dans cette œuvre coup de poing réalisée en 2005 pour l’exposition Section Urban à Paris, on retrouve les personnages torturés d’Ernest Pignon Ernest et celui de Speedy Graphito, Lapinture, dans une incroyable scène en Noir et Blanc. Sous l’affiche on peut lire « Comme un chien sans collier, j’erre dans les rues de Nice à la recherche du dernier palmier ». Malheureusement il m’était impossible de prendre en photo l’œuvre dans son intégralité, j’ose donc espérer que mon maladroit montage vous donnera une petite idée de celle-ci car majestueuse.
Le spectacle commence fort, vraiment très fort. À l’extérieur ont retrouve une seconde œuvre de Speedy Graphito dans ce style pixélisé qu’il affectionne depuis quelques années. On y devine de jeunes gens jouant à cochon pendu… Et puis sur les murs du 109 c’est un magnifique recto/verso réalisé par Astro qui s’offre à nous ! Entre ces deux trompes l’œil on découvre avec étonnement une œuvre de Rero… Comme si tous les grands noms de l’art urbain s’étaient donné rendez-vous au 109 !
Mais je dois vous l’avouer, malgré la qualité des œuvres XXL que Le 109 offre à voir, mes yeux sont sans cesse réquisitionnés par les murs d’enceinte de l’établissement… Colorés, explosifs, ils regorgent de graffitis, de blazes, de visages et surtout de signatures que je ne connais pas bien. Ils s’appellent Faben, Aroke, Artmor1, Roko, HKA, Jennifer Miller, Williamhamer, Otom,… Leurs Blazes, graffiti et œuvres n’ont rien à envier aux grands noms du Street Art, bien au contraire, Le 109 respire le Pep’s d’une création foisonnante. Il suffit de voir la magnifique œuvre qu’Otom a réalisée avec l’artiste Allemand EOC Alexander lis, spécialiste du graffiti abstrait, pour comprendre qu’il y a du niveau.
On retrouve des signatures connues, comme le blaze d’Astro, ou encore un portrait d’Ernesto Novo au milieu de ce foisonnement… Plutôt que de vous décrire les œuvres avec quelques centaines de lignes, je vous laisse avec ce choc visuel qui vous fera comprendre que le graffiti à Nice n’est pas le fruit de mon imagination 😉
Vous l’avez vu de vos propres yeux ! Je ne vous ai pas menti ! Le 109 regroupe tous les ingrédients pour devenir un spot iconique du graffiti à Nice ! La diversité des œuvres et leur nombre sont déconcertants. Le niveau technique des graffeurs sans équivoque. Les thèmes abordés : rap, hommages,… les styles : Graffiti Wild Style, bubble letters,… Tout fait de ce spot le lieu idéal pour les amoureux du graffiti et de l’art urbain. Même dans mes envies les plus folles je n’aurais jamais imaginé que Nice puisse être un tel vivier d’artistes urbains ! Cela me paraît encore aujourd’hui quelque peu fantasmagorique… Mais qu’en est-il de l’extérieur du 109 ? C’est donc accompagnée des petits « characters » de Faben (he oui il y a aussi des characters !) que je m’en vais découvrir ce qui se passe à l’extérieur directement dans les rues de ce quartier niçois.
Les murs d’expression libres se multiplient à Nice et donnent à voir des graffitis de qualité & œuvres urbaines poignantes
Il est évident que si le graffiti à Nice se limitait à l’intérieur du centre culturel Le 109 cela aurait été un peu restrictif et surtout resté à l’abris de tous les regards, comme illégal ! Etonnamment la ville de Nice bouge sur ce sujet et elle compte désormais trois murs d’expression libre où les talents peuvent venir s’exprimer en toute légalité. Les élus ont bien compris qu’il y avait un grand nombre de talents urbains dans et autour de Nice, par ailleurs elle sait pertinemment que comme dans toute ville urbanisée, il y a quelques sous-ponts disgracieux, des murs pignons ternes et des espaces à améliorer… quoi de mieux donc que le Street Art pour résoudre le problème 😉 Artistes confirmés ou néophytes peuvent désormais s’armer d’une bombe de peinture et laisser faire leur imagination sans risquer d’être embarqués !
C’est donc avec curiosité que nous avons continué notre promenade avec Andy en découvrant un premier mur d’expression libre qui n’est autre que le mur d’enceinte extérieur du 109. Avec stupéfaction j’ai découvert 4 portraits ! Le premier m’a subjugué car oui Jean Rooble est le grand spécialiste de l’hyperréalisme en France… et on a souvent l’habitude d’attribuer ce mouvement aux Américains qui reproduisent à merveille de belles photos au pinceau. Mais Jean Rooble vient du graffiti, lettering, wild Style,… et il travaille uniquement à la bombe… Ce qu’il apporte de plus à l’hyperréalisme c’est une touche d’humanité palpable… à chaque œuvre c’est la découverte de nouveaux sentiments. Ce visage issu d’une photographie de Ken Wongyoukhong a été pour moi comme un nouveau coup de poing. Une œuvre saisissante que je ne m’attendais pas du tout, mais alors pas du tout à voir dans les rues de la proprette Nice. Quel spectacle !
Autre portrait, autre ambiance ; cette fois-ci c’est Ernesto Novo qui nous offre un portrait du graffeur niçois OTOM. Cette pratique de se représenter entre artistes est courante dans l’art urbain comme elle fut courante dans la peinture classique. Dans ce portrait on reconnaît bien la stylistique propre à Ernesto Novo qui recouvre des murs dans le monde entier de ses totems ou de visages.
Comment imaginer que cette œuvre puissante soit de Wanjah, le même artiste qui a dessiné un adorable « baby Love » à Antibes ? Artiste engagé qui aime le rap et aussi éborgner les hommes politiques, il nous offre une œuvre qui peut faire froid dans le dos ! On pourrait imaginer un rappeur déchainé, on pourrait aussi imaginer un intégriste scandant un discours haineux… on pourrait imaginer beaucoup avec cette œuvre. En fait c’est le propre de l’art que de faire réagir, provoquer, questionner,… et cette œuvre incarne complètement ce pour quoi l’art est aussi important ; il offre un autre regard sur le monde, une porte ouverte… à la discussion peut-être… En tous cas cette œuvre évoquera certainement en vous quelques sentiments et c’est bien pour cela que je l’ai sélectionnée afin d’illustrer cet article 😉
Je clôture cette galerie de portraits avec une œuvre d’Alber Oner, artiste de la région de Bordeaux. Pas de revendication politique, pas de sentiment trop violent; Alber Oner fait dans le graphisme et l’aplat de couleurs qui percutent l’oeil sans faire mal à l’âme. Il fait du beau, équilibré, décoratif et l’on a toujours plaisir à retrouver un de ses portraits colorés dans un grand nombre de villes françaises. Ici il ne déroge pas à la règle et ça fait du bien de respirer aussi un peu non ?
Avant de partir découvrir un autre mur d’expression libre de la ville, je vous ai fait un petit pêle-mêle de photos qui vous montrera la diversité des œuvres qui se trouvent à l’extérieur du 109, Graffitis, blazes en tous genres, mangas, portraits d’artistes, monstres charmants,… Le graffiti à Nice est aussi varié que dans le Queens ! C’est vous dire à quel point la ville cache bien son jeu !
Après quelques stations en autobus, nous voilà arrivés au mur du XVème corps. Comme pour le mur précédent les premières œuvres ont été orchestrées par l’Association WholeStreet dans le cadre du projet « influence ta ville »… à la différence des portraits que nous avons vu précédemment, ici il ne reste pas grand chose d’intéressant à voir si ce n’est un immense graff’ de HKA qui a représenté son enfant avec l’accroche en Wild Style « Le Meilleur est à venir » et une œuvre très étrange qui pourrait être attribuée à l’artiste VILE mondialement connu. Mais c’est une copie ! Hé oui même dans l’art urbain il y a des faussaires ! À la manière de VILE ; le graffeur a réalisé les lettres de la ville de NICE en 3D en y incorporant des éléments constitutifs de l’identité de celle-ci : les palmiers, la baie des anges, le joueur de pétanque et même Fernandel !
Le mur du XVème corps n’était pas des plus exaltant ce jour là… Comme c’est le propre de l’art urbain d’être éphémère, je gage qu’à l’heure où vous lirez ces lignes de nouvelles œuvres auront vu le jour sur celui-ci.
A quelques dizaines de mètres du mur, dans la cour intérieure du Centre Social, on aperçoit La Jeune Fille à la perle de Vermeer revisitée par l’étoile montante de l’art urbain Azuréen César Malfi… Transition quelque peu rocambolesque qui va me permettre de vous parler un petit peu de ma rencontre avec ce jeune artiste niçois qui a le vent en poupe !
César Malfi : du graffiti vandale à Nice au muralisme antique & moderne !
Dire que le jeune artiste César Malfi a le vent en poupe est un euphémisme ! Présenté comme un « Maestro » du Street Art par la presse locale, César Malfi du haut de ses 28 ans a un joli palmarès avec plus de 30 fresques réalisées entre Nice, Antibes, Miramas, Saint-Raphael,… une exposition majeure baptisée « noms de Dieux ! » au Musée d’Archéologie de la ville, une fresque dans l’enceinte même du Château Crémat, prestigieux vignoble Niçois,… La liste est longue et c’est donc avec curiosité et ouverture d’esprit que j’ai hâte de rencontrer ce jeune prodige local 😉
Nous nous retrouvons chez Da Titin pour déguster une délicieuse Socca traditionnelle. Le jeune César arrive d’un pas dynamique avec ce petit excès d’assurance propre aux personnes sensibles. Il a l’œil qui pétille l’intelligence, il est farceur et j’avoue que sa joute verbale est drôle et savoureuse… Je ne vais pas m’attarder sur son histoire car la presse régionale l’a énormément relayée. Voici en quelques mots… Il a commencé a manier la bombe avec sa bande de potes façon vandale, puis a malheureusement été victime d’un grave accident pendant une cession plutôt risquée de graff’ sur des voies ferrées… Sa vision du monde a changé et son amour pour la renaissance italienne, la Grèce antique, et bien évidemment la mythologie qui en découle lui ont apporté une matière intarissable pour nourrir ses œuvres et réflexions. Même s’il fait des études de droits, César est déterminé et c’est le combo peindre + partager qui le fait vibrer.
Nous faisons en sa compagnie un tour de ses œuvres majeures et nous arrêtons en 1er lieu dans un quartier populaire de Nice, Les Moulins; je vous rassure rien à voir avec le 93 ou les quartiers Nord de Marseille ! L’œuvre Liberté, Égalité, Féminité est gonflée car la représentation féminine n’est pas nécessairement la bienvenue dans ce type que quartier. On voit à son travail autodidacte qu’il a dû passer des heures à étudier les ombres des statues anciennes. La reproduction des plissés de la toge et le côté duveteux des ailes sont restitués à merveille. Mais je l’avoue même si je trouve cela beau, il ne se passe pas grand chose en moi à l’instant T devant cette œuvre… Le jeune César le remarque avec humour et je réserve mon pronostique pour plus tard…
La seconde œuvre devant laquelle nous nous arrêtons offre plus de matière et de relief, je discerne entre ces deux œuvres une certaine évolution dans le travail de l’artiste. Le cheval superposé à un minotaure qui pourrait être inspiré de Picasso et ces statues fendues nettes laissant entrevoir des traits délicats et poétiques à la Cocteau. Le tout offre un contraste intéressant qui évoquerait une juxtaposition générationnelle. Il est possible que je me trompe de direction ; car l’art est perçu par chacun différemment et comme je déteste les « cartels » dans les musées, je n’aime pas non plus lire les explications que l’on me ferait des œuvres… Je vous donne juste mon propre ressenti en vous laissant libre du votre !
La troisième œuvre est de loin ma préférée. Elle a ce je ne sais quoi de plus qui appartient aux artistes urbains qui jouent avec l’architecture avec intelligence. Ce baiser rendu impossible par la nature du bâtiment renforce le désir de ces deux êtres / statues enlacées. On ressent une certaine tension et on a tendance a rester captivé par ce rendu artistique et architectural. Baptisé « Lovely tension » cette œuvre m’a permis de réaliser que le travail de César Malfi était en évolution, en réflexion et qu’il continuerait à aller de l’avant sans se reposer sur ses lauriers niçois. Fait plutôt rassurant car la célébrité, même régionale, peut parfois prendre le dessus sur la créativité. J’ai hâte de le découvrir se confronter à d’autres univers ; Brooklyn, Londres, Athènes,… Le voir sortir de sa zone de confort et confronter ses réflexions à d’autres architectures… Une très très belle rencontre ! Artiste à suivre !
Faut-il aller déguster du graffiti à Nice ?
C’est mille fois oui ! Pourquoi ? Tout simplement parce que cette ville est une drôle de cachotière ! On l’imagine proprette, lisse, trop sécuritaire et d’un seul coup elle devient explosive, graffitée, même inclusive ! Si on m’avait dit que je savourerais de très beaux graffitis à Nice je n’y aurais absolument pas cru !
À Nice le contraste se situe à tous les niveaux et il y a vraiment de quoi être étonné… Vous pouvez vous régaler dans l’institution très traditionnelle qu’est Chez Davia ou la cuisine Nissarde est à l’honneur où alors voyager au Brésil et gouter les meilleurs plats de poissons et viandes qui soient O Corcovado. Vous pouvez prendre un verre dans un très chic rooftop avec vue mer ou vous encanailler dans le bar / dancing Le Six le plus ancien bar gay friendly de la ville… Personnellement j’ai tout essayé et j’ai tout adoré 😉
J’arrête ici mes disgressions et j’en reviens au graffiti à Nice ; vous pouvez bien évidemment vous aventurer seuls au 109, visiter les murs d’expression libre ou marcher sur les traces de César Malfi sans aucun risque… ce qui n’est pas le cas dans toutes les villes. Mais si vous voulez pousser la découverte plus loin et découvrir des spots secrets et haut en couleurs je vous conseille vivement de faire appel à Andy. Passionné, passionnant, il vous fera un Street Art Tour de Nice détonnant !
Personnellement j’y retournerais bien pour justement découvrir les spots cachés avec l’ami Andy et qui sait, faire un petit « live » déjanté à deux ! Préparez vos valises la ville la plus cachotière de la Côte d’Azur vous attend !
De mon côté je me plonge dans ma tonne de livres dédiés au Street Art afin de vous faire une sélection de Noël aux petits oignons 😉 Pas de nouvelle promenade avant 2024 ! Mais je suis certaine que vous avez de quoi faire en vous baladant sur ma carte du Monde ! Mexico, Brooklyn, Le Queens, Milan, Athènes,… et bien d’autres villes y sont à découvrir.
A très bientôt pour de nouvelles aventures Street Art
Séverine