À la découverte d’un spot d’art urbain démentiel caché en Camargue dans une rizerie abandonnée !

Si on m’avait dit que la Camargue possédait un des plus incroyable site d’art urbain Français, je n’y aurai vraiment pas cru. La Camargue et ses espaces infinis, la beauté des salins de Giraud au coucher du soleil, les chevaux sauvages, les prés avec leurs taureaux, tout cela sent la nature vierge et indomptée par l’homme plus que la bombe de peinture ! Mais voilà, j’avais entendu parler d’un lieu Urbex à l’abandon ; une rizerie qui avait une sombre histoire, et puis deux amies tombent dessus par hasard et m’envoient quelques photos… je reconnais immédiatement les signatures d’artistes urbains du Sud qui posent également leurs œuvres partout en France. Mon sang ne fait qu’un tour ! Il me faut absolument découvrir ce lieu qui a l’air plus que prometteur ! C’est donc accompagnée de mes éclaireuses que je décide de m’y aventurer ; car je sais d’avance que ces lieux à l’abandon peuvent comporter quelques dangers !

 

 

Rentrer dans la rizerie du Soleil Levant c’est ressentir le passé trouble de ces lieux à l’abandon !

Rassurez-vous tout de suite ! Je n’ai ouvert aucun cadenas avec une pince monseigneur ;-). Quand on arrive devant la rizerie, le bâtiment qui fait face à la route est plutôt petit. Les panneaux rouillés laissent encore lisible la typographie ancienne et cela faisait bien longtemps –c.a.d les bancs de l’école- que je n’avais pas lu la dénomination « francoindochinoise » qui m’interpella de suite… Pour rentrer dans les lieux, aucune escalade n’est indispensable. Sur la gauche de ce bâtiment, quelques palissades en métal laissent une voie royale au visiteur. Dès qu’on met un pied à l’intérieur du site on en comprend mieux son immensité… D’ailleurs un bâtiment sur quatre puis six étages vous intime presque de le visiter !

 

 

Au rez-de-chaussée de cette rizerie, je suis plutôt rassurée, le bâti a l’air d’être en bon état et je découvre avec légèreté quelques blazes plus ou moins travaillés réalisés par des graffiteurs locaux… C’est coloré, sympathique et le sol un peu craquelé a l’air costaud. Et puis je suis tout de même à un mètre du plancher des vaches donc pas de quoi paniquer ! Mais je vous l’avoue pour mes premiers pas vers l’art urbain en Camargue, je me demande si je ne me suis pas un peu précipitée tête baissée dans ce drôle de lieu !

 

 

J’espère que la chasse dans les étages va être plus fructueuse ! En arrivant au 1^er étage, au milieu des chenilles et décombres de machineries, je reconnais quelques signatures, comme celle de Fuego ou encore de Djalouz, ce qui commence à me faire sérieusement trépigner… Mais en même temps je réalise que les sols sont écroulés par endroits et qu’il va falloir que je sois un peu plus vigilante…

 

 

Je réalise aussi que ces machines d’aciers devaient être furieusement bruyantes et les conditions de travail abominables… Et c’est là que je me mets à penser à cette « alliance » franco-indochinoise. En fait l’essor du riz camarguais doit beaucoup aux indochinois… Même si la Compagnie porte fièrement le panneau francoindochinoise cela masque une toute autre réalité… la réalité c’est que des milliers d’indochinois ont été immigrés de force pour remplacer les hommes partis au front pendant la second guerre mondiale. 20000 MOI (signifiant à l’époque Main d’œuvre Indigène) ont été déracinés et se sont retrouvés à « travailler » sans salaire en France… Dont 500 en Camargue qui ont apporté leur connaissance des rizières et du riz tout en étant traités comme des esclaves. Franchement ce passé colonialiste me fait froid dans le dos et le lieu m’apparaît de moins en moins sympathique… Il a dû s’en passer de drôles de choses dans cette rizerie… et cette machine à fabriquer des têtes colle bien à l’histoire plutôt glauque des lieux.

 

 

Il y a comme une drôle d’atmosphère dans ce bâtiment, et les sols de plus en plus délabrés commencent à me stresser un peu pendant que mes éclaireuses gambadent comme des ados ! Je me concentre sur mes pieds et essaye de me rapprocher des graffitis très aquatiques de cet étage et de la belle vue qui s’offre à moi.

 

 

Je me retourne et là je vois au loin le magnifique et hyper dynamique lettrage en 3D de Djalouz ! J’ai tellement l’habitude de voir son travail dans les rues Parisiennes ; au spot 13, à Pantin et même à New-York que je suis aux anges de voir une signature qui m’est familière !

 

 

Si vous regardez bien l’œuvre de Djalouz, vous verrez qu’elle est posée sur une carte du monde ! En fait la légende dit que c’est une carte de l’état-major Allemand ! Bon si vous avez déjà vu ce type de cartes, vous savez qu’il n’en est rien ! En fait si cette légende urbaine perdure c’est tout simplement parce que cette rizerie a été occupée par la Kriegsmarine qui n’est autre que la marine allemande de la seconde guerre mondiale ! Et oui l’histoire de cette rizerie est vraiment glauque puisque les nazis ont rajouté des étoiles militaires sur la tour de garde du bâtiment dans lequel je suis !

 

 

Pour finir la visite de ce bâtiment chargé en histoire, je me suis engouffrée dans une passerelle qui donne dans un autre bâtiment… Avant de prendre celle-ci, j’aperçois un beau blaze bien travaillé qui me dit que peut être je suis sur une bonne piste ! En face de moi un drôle de « character » qui pourrait s’apparenter à un ourson / cochon et sur ma droite quelques bribes d’écriture que j’aurais envie d’attribuer à One Pesca –mais je n’en suis pas certaine-… Une fois la passerelle franchie, c’est un bâtiment tout aussi délabré qui m’attend… Avec bonheur je retrouve les chaleureuses arabesques d’Amsted. Et puis derrière un lettering travaillé à la bombe argentée un visage réalisé par l’artiste du Sud Manyoly dans une pièce qui n’a pas quasiment plus de sol ! Quel danger elle a dû affronter pour réaliser ce désormais inaccessible visage !

 

 

Comme je sais que l’art urbain en Camargue ne peut se résumer à ces deux bâtiments abandonnés, et pas non plus à cette rizerie Urbex, je décide de continuer la découverte en commençant par descendre avec grand précaution 😉

 

La maison des contremaîtres petite par sa taille… sympathique pour ses œuvres !

En se promenant au milieu de ces usines en ruine on pourrait presque les oublier tellement la nature a repris le dessus. Certains passages sont presque bucoliques.

 

 

De retour à mon point de départ je vise la petite bâtisse que l’on voyait de m’extérieur. À l’intérieur on découvre de jolies moulures, des portes en bois travaillées et de belles tomettes anciennes qui offrent un contraste étalonnant avec les bâtiments en béton brut dont je sors. Tout m’indique qu’il s’agit bien là de la maison des contremaitres !

 

 

Quelle n’a pas été ma surprise en découvrant dans la première pièce une œuvre en anamorphose de Braga !!! Certes cet artiste est du Sud et il a réalisé un superbe chat à Port de Bouc et d’autres œuvres plutôt pleines d’humour au Clos du Chêne à côté de Paris… Mais vraiment je ne m’attendais pas à une telle signature dans ce lieu abandonné !

 

 

Et pour ce qui est des surprises j’allais être servie puisque dans la pièce d’à-côté c’est une œuvre de l’artiste Madame qui m’attendait… J’ai tellement l’habitude de voir son travail poétique dans mon quartier de Paris du côté de la Porte de la Chapelle que j’en suis restée bouche bée !

 

 

Ma visite de la maison des contremaitres s’est arrêtée là… une pièce au rez-de-chaussée était murée et je dois l’avouer la physionomie de l’escalier avec en amorce une tête de mort fumée ne m’a pas encouragée à voir ce qui se passait dans les étages ! J’ai préféré jeter mon dévolu sur les bâtiments suivants.

 

L’improbable bâtiment qui me réserve quelques étonnantes surprises !

Pour rentrer dans ce bâtiment un peu plus éloigné de la maison des contremaitres, je me demande de prime abord s’il faut que je passe par la fenêtre ou par la porte ! Une dizaine de mètres au dessus de ce qui semble être la porte d’entrée, un bout de tôle ondulée oscille dangereusement avec le vent ! Je prends mon élan et hop je suis déjà dedans !

 

 

Comme je n’ai aucune connaissance en matière de rizerie, je n’ai aucune idée à quoi pouvait servir ce bâtiment… En son centre, dans le sens de la longueur, il y a deux immenses tranchées qui devaient recueillir les grains tobant des silos en béton. Au plafond on découvre de vieux crochets rouillés accrochés à la charpente bétonnée qui se situe à une dizaine de mètres au dessus de ma tête. Mais première jolie surprise, je croise la signature de One Pesca sur un vieux volet roulant rouillé. Je me disais bien que je n’avais pas rêvé en croyant reconnaître son lettering !

 

 

Ce bâtiment a des murs qui pourraient accueillir des œuvres assez structurées mais c’est sur les poteaux de la structure que l’on trouve le plus intéressant ; un personnage quelque peu effrayant de Braga et également un rhinocéros quelque peu troyé qui a dû être magnifique… Malheureusement impossible pour moi d’en identifier son auteur !

 

 

On y trouve quelques characters, assez drôle, des blazes en noir & blanc intrigants ; une foultitude de petites œuvres et en fait cela est un peu déceptif car l’architecture de ce lieu est tout simplement magique… Par une petite percée je m’échappe vers un autre horizon… dont le premier abord me réjouit d’office avec des characters que l’on a envie d’adopter ou de croquer selon son état d’esprit !

 

 

Les entrepôts transformés en « Hall of Fame » par le graffeur Copa KZO !

Les entrepôts sont immenses. Les hauteurs de plafond incroyables et la tôle ondulée transpercée au fil des années laisse des raies de lumières rentrer dans cet immense espace. Je vois tout de suite que les bas des murs sont investi par les graffeurs, mais surtout par un graffeur, Copa KZO, qui y a réalisé des centaines de characters ! Il a transformé ce lieu en son propre Hall of Fame ! Du pur délire ! Avant de mettre l’accent sur ses nombreuses réalisations, j’ai tout de même fait quelques étonnantes trouvailles. La première est un portrait de Mr Difuz, j’ai reconnu son trait de crayon aux sourcils de son personnage masculin, en ce qui concerne le personnage féminin, je ne suis toujours pas certaine qu’il soit de lui… Depuis ce travail Mr Difuz réalise des fresques beaucoup plus dynamiques 😉

 

 

Plus j’avance dans les entrepôts plus mes pieds glissent sur des petites billes de plastiques très dures. J’avais déjà remarqué ces billes dans le premier bâtiment et pensais naïvement qu’elles étaient utilisées dans le processus de transformation du riz… Je décide donc de les regarder de plus prêt et me rend compte qu’en plus d’avoir été un haut lieu de l’état major Allemand, la rizerie est aussi le terrain de jeu d’amateurs de Airsoft… Ces grands enfants qui s’amusent à la guerre avec des fusils à air comprimé et des billes de plastiques ! Décidément je vais de surprises en surprises… Je continue mon exploration, en évitant la glissade ! Je remarque une œuvre très graphique signée Bakool et une multitude de blazes travaillés comme je les aime. Impossible évidement de reconnaître les signatures des graffeurs car mon exploration sur l’art urbain en camargue ne fait que commencer ! Mais si vous les connaissez, n’hésitez pas à me les signaler en commentaire afin que je puisse les citer dans l’article 😉

 

 

 

Pendant que mes amies s’émerveillent et s’enthousiasment comme jamais pour un squelette de poussette suspendu tombant étonnamment dans une de ces raies de lumière… Je continue mes investigations et essaye de recenser et parfois reconnaître tous les characters que Copa KZO a posé dans les lieux ; et ce n’est pas une mince affaire ! La couverture de l’article avec Salador Dalí, c’est lui ! Avec Copa KZO tous les personnages y passent, les stars de cinéma comme Silvester Stallone, les personnages de films cultes comme le Gollum, Les characters iconiques des cartoons de toutes les époques comme Dragon Ball Z, Bob l’éponge, Chuky, les Simpsons,… Une galerie de portraits aussi étonnante que détonnante… à croire que l’artiste habite à deux pas de cette drôle de rizerie !

 

 

 

C’est très enthousiaste que je ressors de cet entrepôt pour me diriger vers le dernier des bâtiments au Nord, à l’opposé de la route…

 

 

Un nouvel entrepôt et deux œuvres dont le mystère reste à percer !

En entrant dans cet immense entrepôt je retrouve évidemment un grand nombre de blaze tout en longueur. Les pièces sont immenses, les murs ont de belles hauteurs, mais comme dans les autres lieux seuls le bas de ceux-ci est exploité par les graffeurs. Je découvre avec plaisir que Braga a également posé d’autres œuvres avec la BDR Crew et que Copa KZO s’est encore éclaté avec de nouveaux portraits,…

 

 

Mais en fait c’est une œuvre, ou plutôt un character, qui m’intrigue. Au premier abord j’ai cru avoir découvert un trésor ! Une œuvre du célébrissime et iconique graffeur Américain Futuradosmil ! Oui ce travail présente de nombreuses similitudes avec les personnages de Futura, le tracé des mains si particulier, les jambes allongées, la tête avec des pointes,… j’avoue que cela m’a suffisamment troublé pour que je contacte Futura afin d’éclaircir ce mystère ! Il m’a répondu avec humour, qu‘il adorait le riz, le sud de la France mais que cette œuvre n’était pas de lui 😉 Impossible d’en connaître l’auteur ! La seule chose dont je sois certaine c’est que lui doit très très bien connaître l’œuvre de Futura !

 

 

Une autre œuvre vient aiguiser ma curiosité… Avec le même tracé fin que la 1^ère… Le fond réalisé à l’aérosol prend des airs de fond à l’aquarelle et le tout donne un monstre de Crystal ou de glace à l’allure aussi massive que fragile. Je ne sais si cette œuvre est du même auteur que la précédente ; mais je réalise qu’en quittant les lieux ce spot d’art urbain très urbex en Camargue me donne déjà l’envie d’y revenir pour percer ses mystères. Y découvrir de nouvelles œuvres et en savoir plus sur les graffeurs locaux !

 

 

Faut-il commencer sa découverte de l’art urbain en Camargue par la rizerie abandonné ?

C’est la première fois que cette question m’embarrasse, je vous l’avoue… J’aurais envie d’y répondre un grand OUI MAIS ! Je vous explique…

 

OUI car je ne pense pas qu’il y ai, mis à part dans la cité phocéenne, des lieux aussi inspirants avec une telle concentration d’œuvres et de graffitis. Même si j’en suis au début de ma quête sur l’art urbain en Camargue, je sais d’ores et déjà que cette rizerie est un lieu unique et peu être même pas égalé sur tout le territoire Français ! Je n’ai jamais vu un lieu qui s’étende sur autant de milliers de mètres carrés avec une histoire aussi lourde. Sincèrement si je compare à d’autres lieux abandonnés comme la Cala d’en Serra et le Festival Club d’Ibiza… Nous sommes à X4 par la taille et peut-être à X10 pour les œuvres… Ce serait donc un immense OUI pour toute personne ayant un attrait pour l’art urbain, le graffiti et l’aventure !

 

MAIS le lieu est réellement très dangereux, et je ne mâche pas mes mots ! Je ne peux pas me permettre de vous dire d’y aller en courant car ce serait trop de responsabilité. Je vous conseille tout d’abord de mettre de bonnes chaussures de marche, de vous couvrir les bras et les jambes et au minimum une casquette sur la tête. Et bien sûr d’y aller avec des amis. Evitez les jours de vent car les tôles tombent des plafonds et des vitres en décomposition pourraient bien voler en éclats. Si vous n’êtes pas habitués aux spots Urbex, ne vous aventurez pas dans les étages ! En restant sur le plancher des vaches vous aurez loisir de découvrir énormément d’œuvres comme le prouve le petit « direct » que j’avais fait sur place et que vous trouverez à la fin de cette article.

 

Vous me trouverez peut-être un peu rabat-joie ; mais je n’ai vraiment pas envie de vous envoyer au casse-pipe et je préfère réellement vous retrouver très vite pour de nouvelles aventures.

De mon côté je ré-enfile mes sneakers pour fouler un lieu beaucoup plus facile d’accès pour le prochain article.

A très bientôt, et en pleine forme, pour de nouvelles aventures Street Art

Prenez soin de vous !

Séverine