Le Tunnel des Tuileries deviendra-t-il l’icône parisienne du street art comme le Leake Street Tunnel de Londres ?

Le tunnel des Tuileries est devenu depuis fin juillet le terrain de jeu des artistes urbains et graffeurs. Situé en contrebas du Louvre et du jardin des Tuileries il a été abandonné aux vélos et aux piétons depuis 2016 mais tous préféraient encore rester sur le quai haut avec vue sur la Seine tellement le lieu était triste, voire glauque ! Cette année la Ville de Paris a décidé de mettre l’art urbain à l’honneur avec une grande rétrospective au sein même de l’hôtel de Ville et l’organisation d’un lifting du tunnel grâce à une dizaine d’artistes urbains triés sur le volet par le commissaire d’exposition qui n’est autre que Nicolas Laugero Lasserre. Mais voilà : les fresques bien proprettes qui oscillaient entre art urbain et art contemporain ont vite été prises d’assaut par les graffeurs et artistes locaux ! Comment la Ville de Paris aurait pu imaginer que ce « spot » ne donne pas des envies ni ne fasse des jaloux. Certes dans les artistes « vandales » certains étant dans les collections du commissaire d’exposition et il est fort probable qu’il ait eu une petite intention de faire vivre le lieu;-) Mais de source très sûre, je sais qu’une partie des artistes venus poser leur signature l’on fait sans aucune demande préalable et surtout sans autorisation ! Comment un artiste urbain ne peut-il pas succomber à l’idée de poser son œuvre au pied du Louvre ! J’imagine l’extrême plaisir qu’ils ont dû avoir à le faire et je les en remercie car ce lieu est désormais magique !

 

 

Que reste-t-il des œuvres originelles du projet ?

 

Certains artistes ont eu plus de « chance » que d’autres. En fait cela va peut-être vous étonner mais les œuvres les plus préservées sont celles qui se situent du côté de la circulation à vélo. Hé oui à Paris les vélos foncent plus vite que les voitures ; alors repasser sur une œuvre existante peut devenir sacrément risqué ! L’œuvre d’Andréa Ravo-Mattoni est la plus préservée de toutes et en même temps c’était certainement à l’origine la pièce maitresse du spectacle, puisque notre artiste Italien bien connu pour sortir les œuvres des musées a créé une œuvre magnifique, unique en son genre, en y intégrant des extraits de cinq œuvres de la peinture classique. Un travail d’Orfèvre !

 

 

Les très graphiques œuvres d’Hydrane, Ërell, Sifat ou encore l’hommage à Jacques Villeglé par Lek & Sowat sont quasiment intacts… Quelques tags se baladent ci et là sur les œuvres mais n’endommagent en rien leur immensité !

 

 

 

 

D’autres œuvres sont également intactes. Si j’ai choisi de me focaliser sur celle-ci, c’est également pour vous faire comprendre l’immensité de ce tunnel et l’accentuation de sa perspective par ces réalisations très géométriques. Vous pourriez imaginer que leurs réalisations sont plus simples que des œuvres apparemment plus complexes. En fait il n’en ait rien l’œuvre d’Ërell a demandé 8 journées entières de travail !

D’autres artistes ont eu beaucoup moins de chance, comme Mathieu Dussaucy, alias Mathieu_1976, dont j’ai mis l’œuvre en couverture d’article. En discutant avec lui j’ai compris sa tristesse en voyant autant de travail effacé à vitesse grand V et en même temps je ne me lasse pas de la puissance de son éléphant qui prend une toute autre ampleur au milieu des graffs avoisinants !

 

Le Tunnel des Tuileries : Une explosion de créativité sans cesse renouvelée !

 

La multiplicité des œuvres, la diversité des sujets, la rapidité de remplacement de celles-ci nous montre à quel point la culture est toujours vivante au cœur de la capitale ! Cette explosion de couleurs, de créations est aussi une explosion de vie. Paris sans ces lieux incroyables, ne serait plus qu’une ville musée dont les artistes auraient disparus. Ce qui dynamise une ville, c’est le changement et là du changement on en a ! Ce qui rend attrayant ce lieu c’est la vibration qui en ressort, les sensations que l’on peut ressentir. Certaines œuvres restent plus longtemps que d’autres, mais à chaque visite de nouveaux émerveillements nous attendent. J’ai décidé de sélectionner 10 photos que j’ai prise dans le tunnel pour essayer de vous faire ressentir ce spot exceptionnel !

 

 

Ce tunnel des Tuileries nous donne à voir d’extraordinaires compositions où s’entremêlent des artistes d’horizons différents. En réunissant ces œuvres en une seule par le biais de la photographie on obtient parfois des images ayant un très bel équilibre, tant sur le plan de la colorimétrie que sur celui de la construction. Les danseurs de Hip-Hop d’Henry Hang et le Boy de Psykoze Nolimit en sont un exemple criant ! Le tout, relié par un graffiti rouge et jaune de Lek, offre aux yeux un spectacle en mouvement devant lequel on pourrait presque entendre la bande annonce de la célèbre émission H.I.P H.O.P du DJ Sidney !

 

 

Comment parler encore de graffiti lorsque l’on a le regard capté par une réalisation de Rea One ? Ses ondes, vagues, arabesques sont comme des vibrations de l’air. La complexité de ses structures, la légèreté de ses œuvres qui pourraient s’envoler, le niveau de technicité,… tout est perfection. Et là devant un tel niveau d’exécution, je me dis parfois que le mot graffiti n’est plus nécessairement très adapté. Ce tunnel c’est vraiment du bonheur à l’état pur pour !

 

 

« Vibrer au son du murmure de la ville »… C’est le titre qui m’est venu en tête lorsque je suis tombée sur ce portrait de la jeune artiste Poulain que j’avais découverte lors de l‘événement les 25 au 104. Invitée par le commissaire d’exposition à poser sa signature sur le mur du tunnel des Tuileries, elle arrive, avec sa galerie de personnages à faire passer de belles émotions. La jeune femme de ce portrait pourrait aussi bien planer sur un son idyllique,… issue de l’école du Louvre, son travail dans les rues évolue de jours en jours. Artiste à suivre !

 

 

Une typographie froide, qui saute aux yeux, posée sur une forêt désenchantée. L’œuvre coup de poing de Kouka Ntadi est engagée, sans appel. Le message est clair net et précis à l’heure où les peuples s’affolent de leur futur devant un réchauffement climatique inévitable. On connaît bien le travail de Kouka avec ses guerriers Bantu que l’on peu admirer à Vitry-sur-Seine et ailleurs ; mais on connaît moins son attachement à la richesse que représente la forêt. Cette œuvre en noir & blanc contraste avec les autres œuvres du tunnel ; ce qui renforce le message qui je l’espère sera entendu.

 

 

Le Street Art peut être engagé, contestataire, solidaire et c’est justement un paragraphe qui manque cruellement à l’exposition sur 60 ans d’art urbain à Paris qui a lieu en ce moment à l’hôtel de ville. J’ai donc été plus que touchée de voir dans ce tunnel ce qui constitue le socle de beaucoup d’artistes urbains. Cette œuvre en soutien aux femmes iraniennes réalisée par Claks One et HeartCraft nous ramène certes avec tristesse vers une sombre réalité, mais elle est aussi importante. Importante pour un peuple qui est tombé sous le joug de l’obscurantisme et qui met au quotidien sa vie en danger pour recouvrer à une certaine forme de liberté. Importante pour nous qui sommes dans un confort démocratique qui, au final, est toujours en danger.

 

 

Beaucoup plus léger, ce motocycliste en babouches paraît tout droit sorti du souk de Marrakech ! Rien de surprenant car l’artiste Mouad Aboulhana est Marocain. Il manie avec dextérité pochoir et pinceau et nous offre un résultat très pêchu ! Son fond comme un mur de zelliges est marqué de smiley, ce qui nous fait sourire dès le premier regard et les couleurs chatoyantes de sa réalisation au pinceau nous donnent immédiatement envie de voyager. L’artiste, de passage à Paris, a posé d’autres œuvres dans la capitale ! À vous de les découvrir.

 

 

Une chose est certaine, ce tunnel offre son lot de surprises ! La dernière fois que j’ai pu voir le « lettering » de Shreed16 c’était sur une fresque en support aux gilets jaunes dans le Nord de Paris. Alors retrouver son écriture ultra stylée, entourant le visage plein d’espoir réalisé par la jeune graphiste et graffeuse MACA, m’a plus qu’étonnée.  Deux générations de graffeurs se réunissent pour une œuvre à 4 mains qui saute aux yeux. Ce sont ces œuvres là qui offrent au tunnel tout son intérêt, sa fraîcheur et son renouveau perpétuel.

 

 

« Souriez, vous êtes filmés ! ». Les Pigeons caméra de l’artiste Djalouz sont partout dans le tunnel, mais aussi dans Paris ! Une critique ouverte de la société de surveillance dans laquelle nous vivons, couplée à une critique de la surveillance qui s’exerce via les réseaux sociaux. Vous ne manquerez pas de voir les logos de Twitter et Instagram donnés comme graines aux oiseaux ! Un vent de liberté souffle à l’intérieur de ce tunnel… Espérons qu’il perdure !

 

 

Du graffiti « old style », vous en trouverez dans tout le tunnel. Les amoureux des beaux blazes ne seront pas déçus. Block Letters, bubble letters, dropping, flops et tags représentent au bas mot 40% de la surface peinte ! Si j’ai choisi cette photo c’est parce que le visage réalisé par la graffeuse et chanteuse Allemande Emesa_amze m’a rappelé ces visages que l’on retrouve aux Etats-Unis ou encore à Londres. Il a quelque chose de très glossy, rock, glamour et manga à la fois !

 

 

Si vous me lisez depuis longtemps, vous savez déjà que j’ai un petit faible pour les « characters ». Ce sont ces drôles de personnages qui parfois deviennent la signature unique d’un artiste urbain. Certains artistes ne réalisent dans leur carrière qu’un seul personnage et le déclinent à foison dans le paysage urbain. D’autres comme Monsieur Hobz ont plusieurs characters à leur actif et ils les font réapparaitre ça et là en fonction du lieu 😉 Le tunnel regorge de ces personnages ! Si j’ai choisi celui d’Hobz c’est tout simplement parce que le tunnel, une fois la nuit tombée, est aussi un espace de sommeil pour un certain nombre de sans abris.. Et je ne voulais pas oublier les habitants de ce lieu en transformation.

 

Le Tunnel des Tuileries deviendra-t-il aussi mythique que le Leake Street Tunnel de Londres ?

 

Ce lieu emprunt de créativité et de liberté est devenu en quelques mois un spot incontournable pour tous les amoureux d’art urbain ! La ville de Paris sur son site précise que le tunnel restera un lieu d’expression jusqu’à l’été 2023 ! Mais sincèrement, entre nous, la Mairie de Paris n’a peut-être pas encore pris conscience de l’énorme attrait que représentait ce tunnel, ni même de ce qu’il apporte de VIVANT à une ville à bout de souffle. Il faut oser espérer que le projet continue au delà et bien après les JO de 2024; car oui ce tunnel, de par sa situation, pourrait devenir culte dans les années à venir. Aussi important à voir que la Tour Eiffel ou encore La Joconde ! Le Leake Street Tunnel de Londres a désormais un sérieux concurrent 😉

Je vous conseille chaleureusement d’y aller et de savourer ce goût de liberté. Si d’aventure vous ne venez à Paris que pour déguster de l’art urbain et que vous aimez la vibration des lieux libres, vous ne manquerez pas de vous rendre à Aubervilliers, du côté du canal de L’Ourcq ou encore de l’autre côté de la Seine ; au Spot 13 ou à la Butte aux Cailles.

Je vous laisse avec le reportage que j’ai fait à l’intérieur du tunnel. Vous pourrez vous rendre compte de l’immensité des lieux et de sa richesse. Je suis certaine qu’après l’avoir visionné, vous n’aurez plus qu’une seule envie, y aller !

Allez je repars vers de nouvelles aventures Street Art et bien entendu, si vous avez aimé, partagez, plus le bruit du tunnel se fera entendre plus longue sera sa durée de vie !

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À très bientôt !

Séverine