Escapade Street Art sur les pentes de la Butte Montmartre à Paris
19 décembre 2021D’aussi loin que je me souvienne ; le Street Art à Montmartre était incarné essentiellement par MissTic, pochoiriste de talent aux messages vifs et au verbe haut ! Il y avait aussi dans le quartier quelques tags réalisés par les jeunes pendant leurs virées nocturnes. J’ai habité plus de huit années ce quartier et c’était il y a 20 ans ! Les artisans de l’époque, tailleurs, chausseurs, menuisiers,… ont laissé place aux marques de vêtements que l’on retrouve partout dans le monde et même la galerie d’Art qui représentait MissTic à l’époque a été éradiquée par une grande enseigne de supermarché ! Oui le quartier a quelque peu perdu de ce qui faisait son charme. Mais pour nous, amateurs d’arts urbains, il est devenu la cible de quelques artistes irréductibles qui travaillent pour la plupart du temps de façon illégale pour poser leurs œuvres… Il y a donc quelques pépites à dénicher et savourer. Je vous ai prévu un petit itinéraire de 2 heures maximum et 7 kilomètres qui devrait vous ravir !
Partons à l’ascension de la Butte et gardons l’œil ouvert.
Je commence donc par une pente « douce » qu’est celle de la rue Lepic ; c’est à l’angle de la rue Robert Planquette que commence cette découverte Street Art à Montmartre. Vous ne pourrez absolument pas manquer l’œuvre de Jo Di Bona qui s’offre à vous ! Cet artiste qui joue avec les codes des affichistes et de la culture pop rend un hommage flamboyant au roi de la Pop qui n’est autre que Michael Jackson. Cet angle de rue est riche en grandes et petites découvertes. Si vous ouvrez l’œil vous verrez les travaux des Toqué Frères, de La Dactylo et bien d’autres artistes.
En reprenant la rue Lepic sur quelques mètres on arrive rue Véron. Cette rue était celle de la vie nocturne la plus éclectique du quartier, on y mangeait du Capitaine en papillote avec les doigts dans un restaurant Africain ; une espagnole faisait des Tapas tellement lentement que l’intégralité du restaurant était hilare à la sangria à minuit sans avoir diné,… C’était un joyeux chaos qui est devenu beaucoup plus lisse… Par chance les artistes urbains ont élu domicile dans cette rue qui est un peu à l’abris de l’effervescente Butte ! Il y a encore quelques semaines on pouvait découvrir l’œuvre de l’artiste sud-africaine FAITH XLVII qui était tout simplement magnifique. Je n’ai pu m’empêcher de l’utiliser en couverture de cet article, car son effacement m’a quelque peu pincé le cœur. Ce mur a été vraisemblablement repris par l’association Le MUR est devient donc Le Mur Montmartre sur lequel trône une œuvre très graphique avec quelques accents anamorphiques de Marchal Shaka. Œuvre qui sera sans doute elle aussi recouverte par une autre dans quelques semaines !
En continuant, c’est avec plaisir que l’on retrouve les pochoirs de MissTic et aussi une multitude d’œuvres émanant d’artistes utilisant des techniques différentes. Pochoirs, collages, installations en reliefs,… la rue Véron retrouve un peu de son chaos si charmant mais cette fois-ci il est artistique ! De nouvelles œuvres viennent s’ajouter aux existantes tous les mois, mais vous êtes certains de rencontrer les créations de Levalet, Maria Peña Coto, Akiza, Monsieur Plus, Tzigrafik,… Certes les œuvres sont inégales mais c’est toujours délicieux de découvrir les nouvelles idées et concepts des artistes en herbe !
En arrivant à l’angle de la rue Germain Pilon, c’est une immense fresque du duo d’agitateurs Tito & Mulk qui vient vous réveiller. On sent dans leur œuvre une forte inspiration « comics ». Ils s’amusent à dérouler des sortes de cadavres exquis sur les murs en utilisant des mots d’enfants ou des réflexions plus intimes. Leur « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » emprunté à Nietzsche est une réponse au Covid délivrée par une infirmière super-héro ! Leur univers un peu déjanté n’a pu m’empêcher de penser au dessinateur Crumb !
Quand on se trouve rue Germain Pilon, la tentative de remonter vers les Abbesses est grande; mais un petit conseil, commencez par ouvrir l’œil autour de cette fresque. Juste au coin de la rue vous découvrirez un portrait de l’artiste Nô surplombé par un pochoir d’Akiza.
Continuez jusqu’au bout de la rue Véron, et quelques surprises vous attendrons rue André Antoine. Si je vous conseille de vous engouffrer dans cette rue c’est aussi parce qu’une des plus belles façade de l’art nouveau s’y cache éloignée des touristes. Réalisée par le sculpteur français François Cogné qui avait des accointances avec des dirigeants politiques peu recommandables ; cette façade reste un secret bien gardé du quartier 😉
Vous imaginez bien que je ne vous ai pas fait venir jusque là pour une façade ! Non cette rue est remplie de petites surprises. On y retrouve une œuvre très poétique de Maria Peña Coto, des pochoirs d’Akiza et votre montée d’escaliers en direction des Abbesses sera ponctuée de surprises comme cette Frida Kahlo de l’artiste C+S, ou encore les petites phrases de Singular Vintage.
Vous serez certainement un peu essoufflé en arrivant au sommet mais là encore… petit cadeau : une jolie jeune fille de Jana & JS, l’univers naturel & animalier d’Olivia de Bona et quelques Invader vous accueilleront.
Et si vous passiez sous le porche du Passage des Abbesses par curiosité !
Vous ne pouvez pas louper ce porche bien connu des habitants du quartier. C’est ici que l’on a vu apparaître les premiers visages de l’artiste Gregos, c’est aussi ici qu’on peut découvrir de jeunes artistes. En fait c’est un peu le spot incontournable pour voir les nouveautés du moment… Et aussi pour essayer d’être vu ! Voici quelques photos de celui-ci avec des œuvres de Gregos bien évidemment, et aussi de Loup y es-tu, Mimi the Clown,…
L’essentiel ne se trouve pas à l’entrée du porche mais juste un peu plus loin. En fait personne ne prend jamais ce passage. Seuls les riverains s’y aventurent puisqu’il se finit pas d’interminables escaliers !
Si on s’y aventure, même quand Montmartre est bondé de touristes on se retrouve au calme et on peut admirer un très joli portrait d’enfant réalisé par l’artiste Nô ou encore l’excellent travail de Mirages qui compose des visages à partir de chef d’œuvres d’artistes tels que Picasso, Velasquez, Gauguin, Courbet, Matisse,…
Non je ne vais pas vous conseiller de monter au ciel par cet immense escalier. Je vous réserve cela pour plus tard ! Car juste à côté place des Abbesses il y a un lieu incontournable du quartier. Pour moi c’est une curiosité touristique ! Le mur des je t’aime est né il y a 21 ans ; il est constitué de 612 carreaux de lave émaillée sur lesquels sont déclamés 311 je t’aime en 280 langues. Quand la mairie du 18ème a lancé ce projet réalisé par l’artiste calligraphe Claire Kito ; nous avons beaucoup rit dans le quartier car le square Jehan-Rictus était présenté comme un square romantique alors que c’était une vraie plaque tournante où se vendaient toutes sortes de substances ! Mais il faut croire que les Je t’aime ont eu raison des dealers car aujourd’hui ce sont des milliers de touristes qui se précipitent tous les jours pour se prendre en photo ! Plus aucun trafic à l’horizon, juste du love à profusion 😉
La rue Briquet : Spot incontournable du Street Art Montmartrois !
Il faut tout de même que je vous avoue qu’il y a 20 ans, la rue Briquet était la plus sordide et la plus sale du quartier. Ça c’est fait. Nous y allions avec des amis en fin de soirée car la seule lumière que l’on voyait dans cette rue était celle d’un restaurant Indien qui fermait très tard, ou pas du tout, et qui permettait de diner à des prix dérisoires. Le restaurant est toujours là, mais je ne m’y suis pas risquée 😉 L’ambiance de la rue n’a pas complètement changée ; mais ce que l’on peut y voir est assez déconcertant. Je n’ai même pas envie de vous la présenter comme un « spot » car les œuvres qui s’y trouvent sont pleines de sentiments, d’espoir, de compassion,…
Je vais vous les présenter comme je les ai découvertes en commençant par les œuvres de l’artiste 18emedesigne qui a un don pour retranscrire les émotions de l’enfance ; ses œuvres, ses regards nous parlent de mélancolie, de tristesse et puis d’un seul coup de joie, de malice,… Je vous invite de tout cœur à suivre son travail qui est rare dans le monde du Street Art.
Plus loin le portait de Martin, réalisé par l’artiste français Swed s’inscrit dans le projet « support your local Homeless ». Ce portrait est saisissant ! Mêlé à l’ambiance très particulière de la rue Briquet on pourrait penser que Martin n’est pas loin. Swed a la faculté de retranscrire dans ses œuvres le vécu de ses modèles ; déconcertant parfois, mais profondément humaniste.
Mon regard est attiré par une jeune-femme accroupie. Son attitude me paraît résignée, absente et fait presque froid dans le dos. Je m’approche et lit la petite étiquette sous le collage « Portrait.2, #gardiennederue… ou comment réintroduire les femmes dans la ville ». L’artiste s’appelle LaDame_QUICOLLE et après cette 1ère découverte je vais m’intéresser à son travail de plus près !
Il y a dans cette rue Briquet quelque chose de vrai et surtout quelque chose de fort; car elle montre le vrai visage du 18ème. Ce quartier, mis à part deux trois ilots préservés, a quelque chose de dur en lui. La vie au dos de la Butte, à la Goutte d’or ou même vers Jules Joffrin n’a pas la saveur d’Amélie Poulain. Les œuvres de la rue Briquet incarnent avec beaucoup de sentiments ce que le touriste ne voit que rarement. Même cette œuvre de Levalet, à laquelle un pochoiriste a rajouté le visage d’Arthur Rimbaud incarne la mixité de ce quartier si particulier.
Avant d’envisager une remontée vers le Sacré-Cœur, j’avais envie de mettre côte à côte deux portraits. Le 1er réalisé par l’artiste Italien Exposito apporte une note de légèreté et de douceur dans ce parcours. Le second de l’artiste Nô est encore une fois à l’image du quartier. Deux visages, deux atmosphères qui résonnent parfaitement avec les contrastes que Montmartre peut offrir à ses habitants.
Rendez-vous au Sacré-Cœur !
De la rue Briquet, il vous faudra rejoindre la Halle-Saint-Pierre, passer au pied des jardins du Sacré-Cœur et prendre la décision d’être sportif en rejoignant la rue Gabrielle par un interminable escalier ou alors de vous laisser porter par le funiculaire et redescendre avec facilité vers celle-ci ! La pièce maitresse de la rue Gabrielle est sans aucune contestation possible cette vieille dame réalisée par Swed. J’ai l’impression qu’elle fait désormais partie de l’histoire de la butte comme ces diseuses de bonne aventure qui continuent d’aborder les touristes qui se posent place du Tertre. Si vous regardez la photo avec attention vous remarquerez que Juan Spray a incrusté un de ses petits Sprayitos au pied du mur 😉
Je vais terminer ma visite guidée de Montmartre par cette œuvre. Sachez que d’autres belles pièces vous attendent rue Gabrielle et je ne voudrais pas gâcher la surprise pour ceux d’entrevous qui auraient comme moi le courage de grimper les escaliers ! Quand vous déciderez de redescendre de la Butte, chacune des rues vous réservera de jolies surprises. Soyez attentifs et n’oubliez pas de lever les yeux !
Marcher en mode montagne russe pour découvrir du Street Art à Montmartre vaut-il le coup ?
En fait se balader dans Montmartre est déjà un délice. Le dimanche la Butte est piétonne et le quartier est rempli de jolies surprises. Pour les amateurs d’Art Urbain c’est un petit paradis. Bien sûr vous n’y trouverez pas des fresques immenses comme dans le 13ème arrondissement. Le quartier est exigu et les artistes s’adaptent ! Mais dès que vous vous éloignerez des rues touristiques, vous tomberez automatiquement sur une œuvre ! Ce quartier recèle beaucoup d’autres spots ; car je ne me suis concentrée que sur une partie de la Butte. Si vous passez du côté Nord, vous ne serez pas non plus déçu… et vous tomberez très certainement sur le mur Ordener qui est aussi un lieu incontournable. Et bien évidemment, si vous ne pouvez pas venir sur Paris, je partagerai avec vous une autre escapade sur la butte… en 2022.
Il me reste plus qu’à vous souhaiter de très belles fêtes de fin d’année et de mon côté repartir vers de nouvelles aventures Street Art ! Si vous avez aimé, partagez ça me fera plaisir. Et si vous souhaitez recevoir directement toutes mes infos sur l’Art Urbain dans votre boîte e-mail, vous pouvez désormais vous inscrire à ma Newsletter 😉
A très bientôt
Streetartement votre.
Séverine
Bonjour. Amatrice de street art et assidue de vos publications, je me rends bientôt à Montmartre. Est il possible d’avoir un plan pour pouvoir suivre et situer les rues dont vous parlez ? Merci infiniment et continuez de nous régaler. Cordialement
Bonjour Sophie, tout d’abord merci de votre assiduité 🙏 Malheureusement je ne fais pas de plan de mes balades. Mais si vous suivez le nom des rues en regardant Google map, vous n’aurez aucun mal à les trouver 😉 L’intégralité de la rue Véron est plein de petites œuvres à découvrir. À Montmartre ce qu’il y a de mieux pour avoir des belles surprises c’est de s’y perdre ! Profitez bien de votre balade et surtout n’oubliez pas la rue Briquet 🙌 de très belles fêtes de fin d’année à vous !