Graffiti & Muralisme au cœur de Vitoria-Gasteiz, ville médiévale du Pays Basque Espagnol
29 novembre 2021En partant chasser du Street Art, ou devrais-je dire du muralisme, dans la petite ville médiévale de Vitoria-Gasteiz, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je savais que cette ville, qui n’est autre que la capitale de la province d’Alava et surtout celle de la Communauté autonome du Pays basque Espagnol, avait lancé en 2007 un vaste projet d’art public. Celui-ci avait pour mission de renforcer la cohésion sociale en fédérant ses habitants via un projet commun et participatif !
Je n’avais pas saisi avant mon arrivée qu’en fait un grand nombre d’habitants avait pris en main pinceaux et bombes de peinture afin d’embellir leur ville ! Ici on oublie les grands noms du Street Art, en revanche on n’oublie pas la démesure et le gigantisme des fresques ! Orchestré par Christine & Veronica Weirckmeister via l’association IMVG cet Itinéraire qui s’apparente à du muralisme a été un réel travail de recherche. L’élaboration des fresques s’est faite en concertation avec la population. Il en résulte des fresques monumentales et ultra-colorées.
À l’approche de la ville, il est très difficile d’imaginer que l’on arrive aux abords d’une cité médiévale. D’immenses barres d’immeubles, du style de ceux que l’on plantait dans les années 70, s’étendent sur un grand nombre de rues dans le quartier de Zaramaga. Et là je commence à entrevoir de magnifiques blazes et des très beaux graffitis ! Avant donc de commencer cette découverte du muralisme communautaire de Vitoria-Gasteiz ; je m’éjecte de la voiture car le spectacle vaut d’être vu de plus près !
Festival de graffitis dans le quartier Zaramaga de Vitoria-Gasteiz
Les puristes qui estiment que « le Street Art doit être illégal ou n’est pas », vont se régaler. Ici les soubassements des immeubles sont tous recouverts de réalisations exceptionnelles ! Sincèrement je ne savais plus où donner de la tête ! Un festival de couleurs, de styles, d’univers ! Mes yeux étaient écarquillés, mon cerveau en ébullition. Trouver un tel spot de Street Art avec une si grosse concentration d’œuvres quand on s’y attend le moins c’est un peu comme découvrir la caverne d’Ali-baba… Je vais donc arrêter de blablater et partager avec vous ce « trésor » 😉
Dans ce festival de graffitis, quelque chose m’a sauté aux yeux et m’a ramené vers mon voyage Mexicain où les devantures des marchands représentent leurs activités ou les personnes qui tiennent les commerces. En Amérique du Sud les œuvres sont très naïves et souvent réalisées directement par les commerçants et leurs amis. Ici à Vitoria-Gasteiz, j’ai eu cette même sensation. Je ne sais si la population migrante du quartier vient d’Amérique du Sud ; mais il est fort probable qu’il y ait eu une petite influence venant de cette région hispanique de l’autre continent.
Après avoir arpenté tout le quartier en réalisant des 360° autour de chaque immeuble, j’arrive à repérer certaines signatures et déchiffrer quelques Blazes qui reviennent au fil des œuvres. Ils s’appellent Kapone, Bendito Rage, Santi Frukino, l.Sprit, Sebas Velasco, Musa, Bonim, Omak et Besdo Garcia, et ils tiennent le haut du pavé dans ce quartier de Zaramaga ! Tous les murs portent au minimum une de leur signature ! 4 d’entre-eux font partie de la Take This Crew. Si vous regardez avec attention les graff’ vous observerez souvent l’annotation #takethis ! Comme j’ai eu un coup de cœur pour le travail de Kapone, je vais un peu rester dans ce quartier avant de vous montrer le gigantisme du muralisme de Vitoria-Gasteiz.
Kapone, le graffeur créatif aux mille personnages !
Les « characters » (comprendre personnages en Français) font partie intégrante de la culture Street Art. Certains artistes en font parfois leur unique signature et construisent même l’intégralité de leur carrière avec un seul character !
Avec Kapone, c’est différent, ce graffeur de Valladolid qui vit à Vitoria-Gasteiz fait preuve d’une créativité débordante ! Sincèrement comment ne pas sourire en regardant un de ses personnages qui souvent critique un trait de notre société avec humour. Je vous laisse juger par vous-même 😉
Plus je découvre les « characters » de Kapone, plus je comprends qu’il a un très très bon niveau technique ; preuve en est cette œuvre magique, sous forme de carte à jouer, réalisée en 2010. Très sincèrement je ne comprends pas pourquoi cet artiste n’est pas plus connu ! Avec une telle dose de créativité il devrait avoir plus de fans que l’artiste espagnol Pez qui duplique son drôle de poisson depuis des années. À croire que les rues de Barcelone portent plus vers la célébrité que celles de Vitoria-Gasteiz, une petite ville de la taille de Montpellier en France. Si comme moi le travail de Kapone vous plait ; faites exploser son compteur Instagram ! Il le mérite 😉
Muralisme à Vitoria-Gasteiz rime avec gigantisme !
Dès les premières œuvres trouvées ; mes jambes intègrent vite qu’il va falloir grimper bon nombre d’escaliers pour toutes les découvrir ! Les fresques de Vitoria-Gasteiz sont souvent situées sur des murs pignons qui donnent sur d’interminables escaliers. Le centre historique de Vitoria-Gasteiz a la forme d’une amande et les rues sont circulaires autour de son noyau. Ce que l’on voit moins sur un plan c’est que le noyau de l’amande est situé en haut d’une colline ! Mais voilà après quelques centaines de marches, j’ai trouvé l’astuce du siècle : prendre les escalators ! Oui autant de modernisme dans une cité médiévale paraît invraisemblable ! La force de cette cité historique est aussi d’être accessible aux personnes âgées et celles à mobilité réduite ! L’Espagne a une longueur d’avance sur la France qu’on se le dise !
Quand je vous dis que l’on frôle le gigantisme, je ne plaisante pas ! En matière de muralisme, Vitoria-Gasteiz n’a rien à envier au muralisme de l’époque de Diego Rivera au Mexique ! Je crois qu’aucune des œuvres de la ville ne fait moins de 200m2 ! Certaines sont peintes au pinceau, d’autres à la bombe et on retrouve aussi de la mosaïque ! Un patchwork de techniques et de couleurs s’offre à nos yeux !
Les fresques de cette ville sont étonnantes, humanistes et multi-générationnelles, elles dépeignent toutes les tranches d’âges de la population. Et elles n’hésitent pas non plus à pointer du doigt les inégalités homme-femme comme dans la fresque ci-dessous. Elles sont une lueur d’espoir pour la parité et pour le futur. Il y a dans cette ville un vrai parfum d’avant-garde !
Le muralisme de Vitoria-Gasteiz est tourné vers un futur tolérant et inclusif. L’enfance qui est le futur de la ville est d’origine diverse et une fresque a même été réalisée pour remercier une école publique de la ville ! Il y a une vraie volonté sociale qui se dégage de ces fresques et le désir fort d’un « vivre ensemble ».
Très sincèrement c’est assez stupéfiant, voire anachronique de voir d’aussi grandes réalisations dans une cité médiévale… C’est encore plus étonnant de savoir que des centaines d’habitants se sont réunis et ont réalisé ces œuvres monumentales. La ville est certes tournée vers le futur mais elle n’en oublie pas moins son passé médiéval et rend aussi hommage aux migrants qui ont accompagné sa construction.
Après multiples tergiversations dans les rues de Vitoria-Gasteiz ; je remarque dans une impasse, au dessus d’un toit, sur les vitrines d’un commerçant, d’autres œuvres qui viennent ponctuer cette découverte. La peinture est partout dans la ville, on retrouve au sein de la cité médiévale quelques graffitis de Kapone et de ses acolytes mais aussi des œuvres revendiquant l’indépendance ou encore d’autres plus figuratives dans une courette coincée entre deux petits immeubles. J’ai essayé de vous faire un petit choix pour que visuellement vous compreniez que si vous vous aventurez sur les pentes de cette cité médiévale, il vous faudra ouvrir l’œil !
Que penser du muralisme de Vitoria-Gasteiz ?
Il est très difficile de vous dire ce que j’ai ressenti dans cette ville ! Il y a derrière ces immenses fresques une formidable aventure humaine et même si les grands noms du Street Art ne sont pas présents dans la ville on l’oublie vite ! On ressent un décalage total entre le côté médiéval de la ville et ces fresques modernes, sans parler des escalators qui donnent une touche surréaliste à l’aventure ! Et je ne vous parle pas des banlieues qui me semblent toutes colorées comme Zaramaga. La peinture est partout et à l’air de faire partie intégrante de l’identité de la ville ! Sincèrement ça a été pour moi une très belle découverte. Si l’envie vous prend d’y aller sachez que la carte des fresques géantes en ligne est interactive et fonctionne très bien. Que cette cité médiévale très calme en semaine reçoit tous les habitants de Bilbao qui viennent tester les très bons restaurants gastronomiques le week-end. Sans parler de la très jolie place d’Espagne où il y a toujours une place au soleil pour grignoter quelques tapas !
Après la découverte de Bayonne au pays basque Français et de ses magnifiques œuvres, et ensuite celle de Dax dans les landes, je pensais que Vitoria-Gasteiz serait ma dernière découverte dans ce grand Sud-Ouest. Mais en fait on m’a donné quelques tuyaux alors nous nous retrouverons pour une autre découverte dans cette même région dans les mois qui viennent !
Comme je suis en train de mettre en place la 1ère newsletter du blog, n’hésitez pas à vous inscrire pour avoir toutes les infos directement dans votre boîte aux lettres 😉
De mon côté je file vers de nouvelles aventures Street Art !
A très bientôt
Séverine