Quand le Street Art s’invite à Versailles; c’est royalement poétique !

Vous emmener à Versailles afin d’y découvrir du Street Art me semble être anachronique et pourtant c’est bien ce que je vais faire dans ce nouvel article !

Quand on pense à Versailles, on pense Louis XIV, jardins à la Française, on pense aussi à son centre historique coquet et pourquoi pas à Sacha Guitry qui en a relaté l’histoire et celle de ses personnages dans le si célèbre « Si Versailles m’était conté ».

Accoler au classique Versailles le terme de Street Art, si moderne et si urbain pourrait en étonner plus d’un. C’est ce qu’il vient de se passer dans le quartier moderne de la Ville dénommé Bernard de Jussieu, en hommage au célèbre botaniste. Une réhabilitation complète du quartier rehaussée par 10 fresques murales magnifiquement réalisées qui ne dénotent absolument pas dans le paysage.

Projet #1096 le Street Art « nature » au cœur de Versailles

À quelques pas de la forêt domaniale Les fausses reposes, ce quartier pourrait ressembler à tous les quartiers qui ont poussé en France dans les années 60. Si ce n’est que la Ville de Versailles a décidé de réhabiliter celui-ci afin d’apporter un confort thermique aux habitations enclavées en contre-bas du bois en intégrant une dimension artistique à cette seconde vie. Le thème imposé pour ces réalisations était celui du rapport entre l’humain et la nature. Un thème en hommage au botaniste Bernard de Jussieu, mais surtout un thème qui semble si bien coller à cette Versailles qui dispose d’un arboretum magnifique où se retrouvent les amoureux de la nature du monde entier.

Ainsi le projet colossal baptisé #1096 est né. Pendant qu’Eiffage Construction réalisait les travaux de réhabilitation, Quai 36 menait à bien une direction artistique internationale afin de faire réaliser 10 fresques géantes en une année, dans une période que vous connaissez tous. Un défi gagné à tous les niveaux ! Voici donc quelques unes de ces œuvres qui m’ont tapé dans l’œil.

Jade Rivera réalise « Flora », une invitation vers un autre monde

 

La première fois que j’ai vu un dessin de Jade Rivera c’était sur un petit rocher face au Golf du Mexique sur l‘île de Holbox ; le simple dessin d’un enfant assis rêvant certainement d’un futur meilleur de l’autre côté du Golf. C’est grâce à ce petit croquis que je me suis intéressée au travail de cet artiste Péruvien autour des enfants, notamment ceux de l’Himalaya et de son rapport fort avec la nature qui est un sujet récurrent dans son œuvre. Cette fresque magique est une invitation… Comme si nous allions nous projeter dans un autre monde, un livre ouvert de botanique, comme une invitation vers un nouveau voyage. Faudra-t-il que nous transportions nos fleurs avec nous par peur de ne plus en avoir ? L’oiseau en voie de disparition, détient-il la clé de ce nouveau royaume ? Jade Rivera nous invite, sous une douceur visuelle, à nous interroger sur le futur… A faire jouer notre imaginaire avec des codes qui sont les siens. Un voyage prometteur.

« Curious Botanist » la fresque de Waone : un hommage géant à Bernard de Jussieu

 

Par cette fresque au style néo-surréaliste, voir fantasmagorique ; l’artiste Ukrainien Waone Interesni Kazki imagine le botaniste Bernard de Jussieu dans son travail. Avec son écriture il nous rappelle délicatement que ce botaniste a fondé une méthode de classification des plantes basée sur les caractères anatomiques de l’embryon végétal. C’est la 1^ère fois que je vois une fresque de cet artiste et j’ai été comme happée par son univers et sa stylistique qui rappelle tout de suite celles que l’on retrouve dans les pays de l’Est. Je me suis sentie toute petite devant ce personnage qui m’a étrangement fait pensé au colosse aux pieds d’argile. Cette fresque éveille un étrange sentiment de puissance et de douceur. Encore une fois on rentre dans un nouveau monde où de multiples interprétations sont permises, ne serait-ce que pour déchiffrer cet enfant à tête de plante assis sur la terre ! Je ne me lasse pas de la regarder…

Telmo Miel fait revivre à sa façon « Martine dans la forêt »

 

Je vous ai déjà parlé du travail de ce duo qui rend systématiquement ses œuvres assez énigmatiques, hé bien « Martine in the forest » ne fait pas exception. Cette référence à la série Martine de notre enfance a été réalisée avec beaucoup de poésie. Ce travail à 4 mains, sur plusieurs couches superposées, joue avec notre œil qui est attiré par différents points de lecture à chaque regard. Si cette fresque n’avait pas eu de nom, j’aurai eu la tentation de la nommer Alice au Pays des Merveilles… Mais c’est impossible car il paraît que Martine est devenue une mascotte du quartier de Bernard de Jussieu.

Une ascension vers la nature avec « Respire » de Seth

 

J’ai eu cette étrange sensation pendant cette promenade que les Street Artistes avaient décidé de convoquer nos âmes d’enfants et l’émerveillement que l’on avait pu ressentir devant la nature. Seth a pour habitude de renvoyer notre imaginaire à celui de l’enfance pour parfois questionner sur des sujets sérieux… J’ai vu son œuvre comme une escalade du mur qui enclave ce quartier et qui donne accès à une forêt domaniale abondante. L’expression « faire le mur » pour aller dans la nature m’est venue à l’esprit… Peut-être à cause du confinement dans Paris qui sait ?

« Monument » : une envolée symbole de liberté réalisé par Eron

 

Eron est très certainement le Street Artiste Italien le plus connu internationalement. Ses œuvres sortent souvent du cadre, apparaissent comme des ombres, des anges ou s’échappent tout simplement de leur support. Cet artiste figuratif travaille son style pictural jusqu’à la perfection ! Dans cette œuvre les oiseaux s’échappent littéralement du cadre symbolisant la cage ou plus simplement de la main de l’homme qui les apprivoise. Un vrai questionnement sur le rapport que nous entretenons avec la nature si magnifique lorsqu’elle est libre et sauvage et si souvent privée de liberté par nos propres mains.

La « Violeta » d’Aryz ; un regard au dessus du quartier

 

Cette œuvre d’Aryz se détache des autres par ses couleurs Pastel et le regard si lointain de cette jeune femme une fleur à la main. Sa vision de la relation que l’humain entretient avec la nature semble basique et pourtant le regard de cette femme croquée est au dessus de tout… ou simplement rêveur. Les œuvres XXL de cet artiste Espagnol ont cela d’intéressant qu’il ne les réalise pas pour les gens ; mais pour qu’elles interagissent réellement avec l’environnement et les immeubles alentour. Dans une réalité plus terre à terre cette jeune femme détourne le regard d’un terrain de foot situé en face de l’immeuble pour le poser vers l’horizon bien loin du quartier où elle se trouve.

Amoureux de Street Art, faut-il vous rendre à Versailles pour admirer le projet #1096 réalisé par Quai 36 ?

Très sincèrement, et même s’il n’y a que 10 fresques murales, ce projet vaut le coup d’œil car il est vraiment différent d’autres comme celui de Boulevard Paris 13 par exemple. Très souvent les œuvres monumentales viennent rompre les lignes de l’architecture, trompent l’œil ou encore vous en mettent plein la vue avec des couleurs chatoyantes ! Ici tout n’est que douceur, les œuvres sont enveloppantes comme une forêt ; le thème y est certainement pour quelque chose. Le Street Art à Versailles gagne à être connu… Et si vous pensez que 10 fresques c’est un peu juste, sachez que vous pouvez aussi compléter votre promenade par une petite chasse aux Invaders dans les rues de cette noble ville!

Pour vous y rendre et localiser les œuvres, rien de plus simple ! Toutes les informations sont accessibles sur le site de Quai36.

Pour découvrir un peu plus du travail de Jade Rivera, je vous donne rendez-vous à Holbox au Mexique, pour celui de Seth à Boulevard Paris 13 et pour mieux comprendre celui du duo Telmo Miel à Boulogne-sur-Mer où ils ont réalisé deux magnifiques fresques.

De mon côté, je rechausse mes baskets, et dans un périmètre de 20 Km, suis déjà repartie pour une nouvelle aventure Street Art ; moins royale cette fois-ci 😉

A très bientôt.

Séverine