Le Street Art à Boulogne-sur-mer : une exquise découverte !
2 octobre 2020Tout a commencé il y a 5 ans avec la naissance de la 1ère édition du Festival de Street Art à Boulogne-sur-mer; 5 années où des artistes du monde entier ont été sélectionnés avec grande finesse. Une sélection très pointue qui nous offre à voir différents styles : dripping, anamorphisme, peinture classique. Et surtout plus d’une trentaine d’œuvres puissantes et surprenantes par leur qualité d’exécution ! Certes la thématique de la mer et de la pêche y est très présente, mais comme vous allez pouvoir le constater, ces œuvres nous réservent de très belles surprises. J’ai décidé de me concentrer sur 15 artistes. Pourquoi seulement 15 me direz-vous? Tout simplement parce que je suis certaine qu’à la fin de cet article vous n’aurez plus qu’une seule envie : sauter dans un train pour filer vers Boulogne découvrir les autres œuvres 😉
Hommage à Claude Monnet par l’artiste Brésilien Eduardo Kobra
Il m’a été impossible de reconnaître le style de Kobra en apercevant de loin cette reproduction qu’il a faite de la Jeune fille à l’ombrelle de Claude Monet… C’est en m’approchant de l’œuvre que j’ai aperçu une seconde fresque représentant le Maître qui faisait face à la jeune fille.
Claude Monet croqué dans le plus pur style kaléidoscopique de Kobra réputé pour ses œuvres monumentales. C’est une des premières œuvres que j’ai vue en arrivant à Boulogne et j’ai tout de suite compris que le niveau de cette promenade Street Art était très élevé. J’ai souvent tendance à vous affirmer dans mes articles que le Street Art est une passerelle culturelle pour les jeunes générations et ce diptyque en est une nouvelle confirmation.
Le jeune Jarus restitue à merveille un pêcheur Boulonnais
Que vous dire si ce n’est que je suis subjuguée par le talent de cet artiste Canadien de 24 ans ! Le style figuratif d’Emmanuel Jarus est complètement contrôlé et la qualité de son exécution a le niveau de savoir faire d’un artiste qui ferait le double de son âge ! Pour réaliser cette fresque il a collaboré avec Frédéric Briois, photographe Boulonnais et a réinterprété ses photos avec son style inégalable. C’est un restant scotchée devant cette œuvre que j’ai compris que le Street Art à Boulogne-sur-mer était entre les mains de connaisseurs et que ma journée allait être un Festival !
Le repos du pêcheur par Case Maclaim
Cet artiste Allemand met en scène les mains qui deviennent l’élément principal de ses œuvres. Il a créé au fil des années un véritable langage des mains qui à elles seules expriment un sentiment fort. Cette œuvre ne fait pas exception à la règle ; toute la fatigue et la dureté du travail du pêcheur se ressent en observant simplement les phalanges gonflées, striées, et les veines saillantes,… En observant les représentations des pêcheurs, l’artiste s’est rendu compte que les pêcheurs étaient représentés pendant leur travail, en plein labeur. Avec cette œuvre, il a eu envie de le montrer au repos bien mérité. Vous dire que cette œuvre est magique serait un euphémisme ; la façon dont elle s’intègre à l’architecture du mur avec la serviette posée sur la toiture en fait une œuvre incontournable qui d’ailleurs a été partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux !
Changement de style avec l’œuvre anamorphique de Peeta Ead
Voilà un mur qui va casser le rythme de l’article ! Si vous suivez le blog vous savez déjà que je parle peu d’œuvres anamorphiques ; mais là devant une telle réalisation de cet artiste Vénitien, je ne peux pas faire l’impasse sur ce style si particulier et que l’on retrouve chez beaucoup de graffeurs. L’anamorphisme a cela d’intéressant qu’il révèle le caractère trompeur de notre perception humaine. Peeta est très doué dans ce domaine, en s’appropriant en 1er lieu l’architecture du mur sur lequel il va poser son œuvre il n’a de cesse de le déstructurer pour nous donner à voir autre chose. Ce mur situé face à un parking désuet entouré d’immeubles un peu tristes transforme totalement l’ambiance des lieux, et attire l’œil inlassablement.
Le pochoir monumental et tout en finesse de Monkey Bird Crew
Ce duo de jeunes artistes originaires de Bordeaux est devenu en 8 années d’existences une des figures les plus reconnue du monde du pochoir. Ils manient l’art de la précision et la finesse de la découpe à merveille. On retrouve dans cette œuvre à Boulogne-sur-mer tout ce qui caractérise leur travail inspiré des traités géométriques, mécaniques,.. humains combinés à la représentation du singe et de l’oiseau… Un précaire équilibre entre nature et industrialisation. J’ai vu beaucoup de leurs œuvres en Noir & Blanc et j’ai trouvé l’association du vert d’eau / bleu et de l’or très intéressante. L’or apporte luminosité et relief à l’œuvre tandis que le bleu une touche « air marin » que l’on ne retrouve que rarement dans leurs œuvres.
Un lumineux portrait par David Walker
C’est en passant sous un porche assez sombre que je suis tombée sur ce portrait de David Walker ! Ultra-réaliste ; presque photographique et assez brut à la fois. La particularité de ce portraitiste Anglais qui vit à Berlin est de n’utiliser que l’aérosol pour travailler ! Pas de pinceaux pour les finitions ce qui est assez surprenant si vous scruter les détails de ce regard bleu qui illumine cette rue. Même si ce n’est pas d’habitude le style de fresque que je préfère ; je suis obligée de la mettre dans cette sélection ; car en voyant la qualité de son travail en multicouche, un Waouhh s’est échappé spontanément de ma bouche !
Le vieil homme fascinant d’Hendrik Beikirch alias ECB
La 1ère fois que j’ai vu une œuvre de l’artiste Allemand Hendrik Beikrich c’était au Bushwick Collective à Brooklyn ; et j’avais eu cette désagréable sensation de m’immiscer de façon impolie dans l’intimité du personnage peint. Cette fois-ci la sensation a été toute aussi forte mais différente. Cet artiste profondément humaniste renforce les traits, les marques du temps et à la fois pousse notre imaginaire à inventer la vie qui va avec les visages qu’il peint. Comme nous sommes à Boulogne-sur-mer on pourrait imaginer que c’est un vieux pêcher buriné par le temps qui regarde avec nostalgie la mer… mais en fait on peut imaginer des centaines d’histoires ; ce qui fait le charme et la force de cet artiste.
Les œuvres énigmatiques de Telmomiel
Pour expliquer le travail de ce duo, j’aurai presque envie de dire que ce sont les siamois du Street Art… Mais ce serait un peu réducteur. Miel est d’Amsterdam et Telmo de Rotterdam ; ils travaillent depuis 2012 ensembles et créent des œuvres très énigmatiques. Cela n’a rien de surprenant car chacun créée une pièce individuelle qu’ils marient ensuite en une seule composition; cela offre à notre regard un jeu de perspectives qui joue sur notre perception et nous offre à voir des vues multiples de chaque œuvre. Comme ils ont une exécution presque académique ; leurs réalisations sont très troublantes puisqu’on oscille entre peinture classique, couleurs inhabituelles dans les fresques murales et abstraction. C’est la 1ère fois que je voyais leur travail de visu et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il invite au questionnement !
L’artiste Add Fuel croqué par son ami SMUG
J’ai choisi de vous montrer cette œuvre pour deux raisons : la 1ère c’est que j’apprécie énormément les réalisations de SMUG, cet artiste Australien, roi du style photoréalisme. Il vient de l’univers du graffiti et on ressent dans sa pâte la « vibes » de la culture hip hop ! Et ça me donne la pêche ! La seconde raison est que cette œuvre a signé l’absence de son ami Add Fuel qui devait se rendre au Festival Street Art de Boulogne-sur-mer et qui n’a pu y assister à cause de la vague Covid. Je trouve cet hommage d’un artiste à un autre touchant et plutôt représentatif de l’entente et du respect qu’il y a entre ces artistes.
La vague de chaleur illustrée par Fintan Magee
Fintan est un artiste Australien qui a commencé à graffer dans les rues à l’âge de 13 ans. Après un parcours plutôt académique aux Beaux-Arts de Brisbane, il n’a eu de cesse de réaliser des prouesses artistiques, aux pinceaux, sur les murs ! Un seul leitmotiv dans son travail : alerter sur le réchauffement climatique, le manque d’eau, la disparition du monde animal… Pour chaque œuvre qu’il peint Fintan se renseigne auprès des habitants, explore les lieux avec attention ; ici juste en fasse des magnifiques pistes cyclables de Boulogne-sur-mer qui longent la mer, il nous amène à penser que sous la chaleur du bitume le vélo se met à fondre petit à petit. Ses œuvres son simples et efficaces, sans équivoque. De plus sa maîtrise parfaite des techniques, comme ici le « dripping » – effet de peinture dégoulinante- ne laisse aucun doute sur l’interprétation que l’on peut avoir de son travail.
Les Rafistolés de Marika, artiste Boulonnaise
C’est en fin de journée avec une lumière magnifique que je me suis retrouvée devant l’œuvre de Marika, de son vrai nom Marina Toussent ; artiste que j’avais croisée par hasard lors de ma promenade Boulonnaise. En fait cela m’a fait exactement le même effet que lorsque je m’étais immergée dans l’exposition des dessins de Tim Burton au Moma de New York en 2009… On se retrouve avec une dose de tendresse infantile masquant une autre énorme dose de fragilité. Dans un dosage parfait, un équilibre sur le fil, elle arrive à rendre poétique les aléas de la vie… Son imagerie est belle, équilibrée, pleine de douceurs et de contrastes et même si elle n’a pas encore le même pedigree international que les autres artistes sélectionnés à Boulogne-sur-mer ; elle mérite plus que sa place dans ce musée à ciel ouvert. C’est une très belle découverte et je suis plus qu’heureuse de la partager avec vous 😉
Andréa Ravo Mattoni le symbole de la Culture pour tous !
Je vous ai déjà parlé de cet incroyable artiste Italien dans mon article précédent ; il n’a de cesse de reproduire des chefs d’œuvre anciens et de faire voir à tous ce qui usuellement se cache dans un musée. Son œuvre à Boulogne-sur-Mer s’inscrit dans un projet ambitieux qu’il a commencé en 2016 « récupération du classicisme dans le contemporain » ; il reproduit en partie les chefs d’œuvre du passé à la bombe. Ici c’est l’œuvre Belisarius de François-André Vincent qui a été revisitée. Son exécution quasi parfaite et trompeuse vient du fait que cet artiste est aussi à l’aise avec de la peinture à l’huile qu’avec une bombe aérosol de par sa formation à l ‘Académie des Beaux-arts de la Brera.
La ramasseuse d’épaves de Francis Tattegrain par Alaniz
Il est plus que rare de découvrir ce type de sujet sur les murs d’une ville ! Encore une fois le Street Art à Boulogne-sur-mer sort de la zone de confort et vient frapper fort. Le sujet est poignant, dur et triste à la fois tandis que l’œuvre est réellement impressionnante et magnifique. L’artiste Argentin autodidacte a pour habitude de s’inspirer des lieux qui l’entoure ; il a très certainement en visitant les alentours de Boulogne découvert le musée de Berck-sur-mer on l’on retrouve de nombreuses œuvres de Francis Tattegrain, maître du naturalisme qui a finit ses jours à Berck. Où tout simplement le Château de Boulogne qui dispose de ce chef d’œuvre dans ses collections. Cette femme aux vêtements en lambeaux qui portent des restes d’épave comme la misère du monde sur ses épaules est saisissante. Une œuvre forte et incontournable.
Hommage au Général San Martin par Antonio Segui
Je ne vous aurai certainement jamais emmené avec moi découvrir le Street Art à Boulogne-sur-mer si cette fresque n’avait pas existée. Antérieure au Festival puisqu’elle date de 1992, cette fresque d’Antonio Segui, artiste Argentin contemporain mondialement reconnu a été restaurée lors du 4ème festival de Street Art de Boulogne par l’artiste Boulonnais BF – Frédéric Boutoille – . Ce même artiste m’avait contactée via Facebook pour un tout autre sujet et c’est en découvrant son travail que j’ai découvert le Festival de Boulogne et sa restauration ! Merci BF !
Cette fresque représente le général San Martin, libérateur de l’Argentine, du Chili et du Pérou ; mort à Boulogne-sur-mer en 1850 après avoir traversé l’atlantique. Cette œuvre montre aussi l’intérêt que portait la ville de Boulogne pour la peinture murale.
Les majestueuses & fantastiques portes de Gonzalo Borondo
Loin d’être une œuvre classique de Street Art c’est un chef d’œuvre qu’a offert l’artiste Espagnol Gonzalo Borondo à la ville de Boulogne-sur-mer… Des pièces de Street Art comme celle-ci il n’en existe nulle part ailleurs ! Honnêtement il m’est difficile de savoir par où commencer tellement l’œuvre est dense et intense. Je vais essayer de la décrire en illustrant mes mots de photos qui seront très certainement plus parlantes que mes écrits.
En premier lieu on se retrouve face à un gigantesque portail, qui du bout de la rue paraît infranchissable, il est soutenu par des murs qui font penser à des bas reliefs évoquant la mythologie grecque.
Plus on s’avance, plus le trompe l’œil apparaît et ouvre les portes d’un tout autre univers. Les marches sont recouvertes de scènes de combats avec des figures mi humaines mi animal, des animaux étranges et autant de représentations hallucinantes sorties de l’imaginaire de cet incroyable artiste.
Le haut de l’escalier est surmonté de deux cranes d’animaux qui pourraient être des taureaux… Mais après cette montée émotionnelle, on ne sait plus très bien où on en est. En se retournant et en regardant l’œuvre d’en haut on découvre à chaque palier de l’escalier le mot « passage » écrit sur la gauche et « fureur », « tempérance » et « libre arbitre » sur la droite.
Cette œuvre est une expérience sur sept niveaux qui bouscule notre imaginaire, le met en ébullition. Finalement elle est indescriptible et chacun peut s’inventer les histoires les plus folles qui pourraient être liées à tous les détails… Une seule envie me vient à l’esprit ; y retourner pour la vivre une seconde fois !
Une belle place est également réservée aux artistes Boulonnais.
En me déplaçant de murs en murs et donc de rues en rues ; je vois que les boitiers électriques de la ville sont eux aussi recouverts d’œuvres; des personnages, des univers marins recouvrent ces horribles boitiers. Et pour ne rien vous cacher cela ponctue agréablement les déplacements… J’ai d’ailleurs eu un coup de cœur pour les réalisations de l’artiste Gaawouel, tatoueur de profession, qui réalise de magnifiques visages, extrêmement expressifs. Je vous ai donc concocté un petit diaporama en hommage aux artistes Boulonnais qui font de cette promenade un moment encore plus magique.
Faut-il vous rendre à Boulogne-sur-mer pour une découverte Street Art ?
À cette question je ne peux que répondre : mille fois oui ! Vous y découvrirez un Street Art qui est loin d’être décoratif où la notion de profondeur n’est plus une notion mais une réalité. Si les artistes sont sélectionnés avec la même attention dans les années à venir, il est fort probable que Boulogne devienne un haut lieu du Street Art mondial; même un spot incontournable ! Qui plus est les habitants sont heureux de vous accueillir ; le nombre de personnes qui sont venues à moi pour m’indiquer où étaient les œuvres était étonnant. Sans parler des enfants croisés devant l’œuvre de Marika qui la regardait avec des yeux pleins d’étoiles en me disant que c’était beau…
Peut-être que Boulogne n’était pas dans votre esprit une destination Street Art mais faites comme moi changez d’avis ; la ville est à 2h20 en train de Paris et seulement 1h10 de Lille, qui plus est il est facile de vous repérer dans la Ville puisqu’un plan est à disposition sur leur site Internet.
Cerise sur le gâteau, vous pourrez terminer cette journée avec un magnifique coucher de soleil sur la manche !
J’espère que cette nouvelle promenade découverte vous aura enchantés ! Pour ceux d’entrevous qui ne pourraient pas aller à Boulogne-sur-mer, vous retrouverez l’intégralité des œuvres de Boulogne sur mon Instagram… Et si vous avez envie de continuer à vous balader virtuellement; la promenade qui me vient à l’esprit juste après Boulogne est celle du Bushwick Collective à Brooklyn où on retrouve une œuvre d’Henrik Beikirch, ou encore celle de Manhattan qui vous montrera la différence qu’il peut y avoir entre les œuvres que l’on trouve à Boulogne et celles que l’on trouve à New-York. Et si vous avez flashé sur le travail d’Eduardo Kobra, je lui ai dédié un article il y a quelques mois.
De mon côté je vais rechausser mes baskets pour vous proposer une nouvelle aventure Street Art dans les semaines à venir.
A très bientôt
Séverine
C’est magnifique !!! ces artistes sont prodigieux … tout comme ceux qui ont eu l’idée et le talent de décorer leur ville de cette façon !
Merci Eric de votre commentaire enthousiaste ! Cet art urbain qui s’approche du muralisme est en train de changer le visage de beaucoup de villes ternes et de villages endormis… Qui plus est il est accessible au plus grand nombre et certaines oeuvres sont dignes des plus grands musées ! A très bientôt sur le blog pour de nouvelles découvertes. Un très bel été à vous. Séverine