Le Street Art à Barcelone balayé par le boom de l’immobilier ?
17 janvier 2022Le Street Art à Barcelone paye cher l’arrivée des entreprises High-Tech dans le quartier de Poblenou. Les friches des anciennes usines disparaissent sous les pelleteuses à vitesse grand V pour laisser place à une sorte de Silicon Valley avec de hauts immeubles d’acier et d’improbables lofts. Poblenou était depuis des décennies le cœur de l’art urbain libre Barcelonais. Dans les années 60, les revendications antifranquistes recouvraient les murs de ces usines en briques. Plus tard, les graffeurs y ont apposé leurs Blazes et très vite ils ont été rejoints par des artistes internationaux. Aujourd’hui des artistes font encore de la résistance dans l’ancienne usine de La Escocesa et des galeries d’art urbain proprettes viennent s’installer dans le quartier. Comme vous allez le deviner, il y a encore de belles choses à découvrir dans Poblenou, mais je doute que cela dure très longtemps !
La Escocesa cœur névralgique du Street Art à Barcelone
Cette ancienne usine de production de textiles a été transformée depuis 2008 en un immense espace de création artistique. Peintres, sculpteurs,… y travaillent et y vivent et profitent des équipements et du matériel mis à leur disposition par l’Associació d’Idees Ema. Sur le papier cela peut presque paraître idyllique ; mais quand on rentre dans La Escoceca on se retrouve surtout au cœur d’un bâtiment industriel complètement délabré et on a plus la sensation de rentrer dans un lieu croulant à l’abandon quand dans un espace de création artistique.
Il faut savoir que ce lieu a été squatté dès les années 90 par des artistes Urbains. On retrouve donc des œuvres de leur passage comme cet immense mur réalisé par Zosen Bandito lorsqu’il y vivait à la fin des années 90.
En ouvrant les yeux, on trouve au milieu des décombres de jolies petites œuvres de Miss Van, Pol Corona,… mais il est tout de même difficile de s’imaginer la grande époque de La Escocesa !
Avant de sortir du lieu et de continuer cette découverte du Street Art à Barcelone, je ne peux m’empêcher de partager avec vous l’entrée de La Escocesa et son incroyable mur de céramique, faisant face à une fresque presque surréaliste !
Flâner autour de l’ancienne usine afin de découvrir les œuvres en voie de disparition
Les petits entrepôts et immeubles désuets autour de l’usine sont détruits les uns derrière les autres ; mais certaines œuvres restent quasiment intactes et l’on peut imaginer sans peine ce qu’a pu être le quartier avant la « demolition party » !
Certaines œuvres viennent ornementer les derniers petits immeubles. La femme en maillot de bain de l’artiste Argentine Mariela Ajras paraît tout droit sortie d’un autre temps et vient s’inscrire sans heurt dans le paysage actuel des lieux situés tout de même à quelques centaines de mètres de la méditerranée. L’autre œuvre qui se fait discrète ressemble avec son assemblage d’azulejos aux œuvres de l’artiste Add Fuel… Mais aucune signature n’est apparente ; comme pour la plupart des œuvres du quartier qui sont peintes illégalement.
Les petits entrepôts abandonnés sont eux aussi recouverts d’œuvres ! Certains sont désormais bâchés en prévision de leur destruction ; mais d’autres nous laissent tout de même entrevoir des œuvres qui ont été à l’épreuve du temps.
Si vous vous égarez dans les rues adjacentes, vous découvrirez toutes sortes de Blazes, Bubble Letters, Block Letters,… Et puis parfois si vous avez l’œil aguerri vous reconnaîtrez un petit « character » comme celui d’El Xupet Negre.
Une chose est certaine les habitants ne sont pas heureux de ce changement et le font eux aussi savoir sur les murs comme dans les années 60 !
Graffiti en stock du côté de la Carrer de l’Agricultura
En me rendant Carrer de l’Agricultura je commence à réellement me rendre compte que le quartier n’en es pas au début de sa mutation. De certaines usines il ne reste plus que la cheminée qui servira certainement d’élément de décoration au milieu des monstres de verres qui se construisent.
Les murs deviennent vierges et seuls quelques panneaux électriques sont graffés.
Les anciens terrain-vagues ont été murés et il faut se hisser sur la pointe des pieds pour apercevoir les œuvres qui se cachent derrière. Ce que j’ai fait avec grand plaisir pour pouvoir vous montrer une ancienne œuvre du quartier 😉
Quelques signes me disent tout de même que le quartier reste attractif pour les graffeurs. Le recoin d’un immeuble, ou encore les portes de garages, comme celle-ci occupée par l’artiste Tim Marsh, sont les signes d’une réelle résistance de la part des artistes.
Il faut que vous sachiez que cette rue était certainement la plus graffée d’Europe ! Et en arrivant à son niveau, je comprends à quel point les choses ont changé. Les murs des usines en cours de destruction ont été remplacés par de la tôle ondulée ou par des grilles, ce qui ne laisse pas beaucoup d’espace pour la peinture. Mais les graffeurs qui vivent et bombent dans cette rue depuis des décennies ne se sont pas laissés démonter. Ils ont déjà commencé à investir les nouveaux murs qui encerclent les futurs bureaux et lofts du quartier ! Il y a un côté très hip-hop style et année 80 dans cette rue quasiment déserte puisqu’en construction. Il semblerait que les graffeurs n’aient pas dit leur dernier mot !
Je pourrai vous montrer des kilomètres de graffitis ! Une chose est certaine c’est que si vous vous aventurez Carrer de l’Agricultura, je pense qu’il y aura toujours de beaux graffitis pour vous accueillir !
Du côté de la galerie et résidence d’artistes NauART
Même si le quartier est en complète mutation, il reste encore quelques spots qui devraient perdurer. Celui situé à côté de l’espace NauART en est un. Tout simplement parce que les artistes en résidence dans les lieux ont tendance à sortir de leurs ateliers et aussi parce que les artistes urbains en bombant à côté de la galerie y voient une bonne occasion pour se faire connaitre !
Sur le volet roulant de la galerie on découvre le portrait de Pablo Picasso ; un clin d’œil amusant par le Street Artiste uruguayen Jose Gallino. L’œuvre est tellement réalisée proprement par rapport aux autres œuvres du quartier que cela en est presque anachronique 😉
Ici, comme ailleurs dans Poblenou, le contraste est permanent. En face de la galerie c’est une palissade de Graffitis qui vient souligner un mur représentant une ancienne colonne grecque.
En contournant la galerie, c’est la partie d’une tête de clown et quelques sculptures de fourmis qui viennent à nous faire penser que la visite de ces ateliers d’artistes doit être plus qu’intéressante !
L’arrière de la galerie, qui semblerait être le passage entre la galerie et les ateliers est tout aussi chaotique ! On y trouve une œuvre très « comics » de l’artiste Barcelonais Dante Arcade, qui côtoie celle de l’artiste Charlotte Mahdavi alias Ladyspow.
Si vous tournez autour du pâté de maison, vous découvrirez une foultitude d’œuvres et de graffitis. Mais avant de clôturer cette nouvelle promenade Street Art je voulais vous parler d’un dernier spot dans Poblenou…
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Dernier stop & spot Street Art du côté du BAU – Collège of Art & Design de Barcelona
Toujours dans Poblenou, il est un spot à ne pas louper. Même si les œuvres extrêmement graphiques réalisées par les étudiants et graffeurs amis sur les volets roulants de ce centre universitaire artistique ont quelque peu été détériorées. Il n’en reste pas moins que les quelques rues alentours valent de s’y arrêter.
Si j’ai tenu à vous parler de ce dernier spot, c’est aussi parce que l’œuvre qui m’a le plus touchée est juste à côté du Collège of Arts. Réalisée par l’artiste d’Helsinki Annetta Lukjanova, cette scène a été réalisée tout en finesse. Pas de couleurs flashy, avec un simple dégradé de gris cette artiste arrive à retranscrire une atmosphère, une ambiance, des sentiments. Mon œuvre coup de cœur ! Quand je pense que cette artiste n’a pas encore 30 ans, je crois qu’on devrait entendre parler d’elle dans le futur, que ce soit pour son travail dans la rue ou pour ses peintures sur toiles dont certaines sont à couper le souffle !
Non loin de cette œuvre on retrouve le travail très graphique de Tim Marsh qui a réalisé un projet très particulier dans Poblenou dont je vous parlerai ultérieurement et d’une myriade d’artistes moins connus, mais qui pourraient le devenir un jour !
La Silicon Valley aura-t-elle raison du Street Art à Barcelone ?
Je crois qu’il est très clair que la réponse est NON ! Les graffeurs sont trop nombreux et ancrés dans le quartier de Poblenou depuis trop longtemps pour ne pas se mobiliser. Qui plus est les initiatives pour occuper les volets-roulants et autres supports métalliques comme les entrées de Parking se multiplient. En fait le Street Art est partout dans les rues de Barcelone, même dans les quartiers les plus chics. Il est vrai que lorsque l’on connaissait Poblenou avant, cela fait un véritable choc. Mais voilà d’autres lieux comme le Queens ou encore Brooklyn ont subit le même phénomène et le Street Art y est toujours vivant. D’ailleurs dans un prochain article je vous révèlerais le spot incontournable de Barcelone pour voir les graffeurs en Live !
Restez connectés car dans quelques jours je vous amènerais dans le Parking secret le plus incroyable de Paris ! Et bien sûr si vous avez aimé, partagez 😉
A très bientôt pour de nouvelles aventures Street Art
Séverine
Ce dossier est magnifique et suggère que Gaudi a eu des descendants. Puissent ces créateurs mobiliser suffisamment les Barcelonais pour balayer promoteurs et spéculateurs immobiliers.
Merci Pascal de votre fort sympathique message. Il semblerait de fait que les Barcelonais tiennent à leurs créateurs des rues… Même si la pression immobilière est très forte d’autres lieux se dessinent déjà dans de nouveaux quartiers. Je me ferais un plaisir d’en faire écho lors d’un prochain voyage 😉
Merci pour votre blog passionnant surtout pour tout ceux qui comme moi ne vont pas aux 4 coins du monde. Et particulièrement sur ce post sur Barcelone. Sincèrement. Sophie B.
Merci Sophie pour votre commentaire; cela me touche et m’encourage à trouver de nouveaux endroits à vous faire découvrir ! J’espère que les prochains articles vous plairont tout autant ! Encore Merci. Séverine