Le Street Art s’installe dans le berceau des impressionnistes à Chatou : une très belle réussite !

Du Street Art à Chatou et qui plus est sur l’île des impressionnistes ; on m’en aurait parlé il y a quelques mois, je n’y aurais pas cru ! Mais voilà c’était sans compter sur un très beau projet développé par la ville de Chatou en partenariat avec Street Art for Mankind, ONG Américaine qui lutte contre le trafic et l’esclavagisme des enfants. Six artistes internationaux sont allés poser leurs styles et leurs techniques dans chacun des quartiers de la ville avec des thématiques en adéquation avec l’histoire et l’ADN des lieux.

Renoir, Degas, Manet, Monet ou encore Sisley avaient planté leurs chevalets afin d’immortaliser les bords de Seine et les guinguettes animées de la Belle Époque. Ce mois de juin 2021, ce sont Emmanuel Jarus, Vesod, Victor Ash, Vinie Graffiti, Carlos Alberto GH et Lula Goce qui ont posé leurs nacelles pour réaliser des fresques souvent monumentales à la bombe, au pinceau ou encore au rouleau. Un parcours que je me suis empressée de découvrir, la peinture était encore fraîche et je me suis régalée. C’est donc avec un immense plaisir que je vais partager avec vous ces toutes nouvelles œuvres qui sont à deux pas de Paris et qui vous donneront je n’en doute pas envie de faire un tour sur l’île de Chatou et ses environs.

Le vibrant hommage à Claude Monet d’Emmanuel Jarus sur l’île des impressionnistes.

 

Si vous suivez le blog, vous ne manquerez pas de faire un rapprochement entre cette œuvre et celle d’Eduardo Kobra à Boulogne-sur-mer. Il n’y a aucune similitude du coté de la technique, mais l’œuvre servant de source d’inspiration n’est autre que la femme à l ‘ombrelle de Claude Monet ! Un choix judicieux pour interpréter la thématique choisie pour cet emplacement stratégique sur l’île de Chatou, haut lieu de rencontre des impressionnistes.

Emmanuel Jarus dont le pseudo Youngjarus évoque son jeune âge est une artiste Canadien qui ne vient absolument pas du monde du graffiti. Dans un style purement narratif il choisit d’interpréter des personnages du quotidien sur leurs lieux de vie. Portraitiste à grande échelle, il manie le pinceau, la bombe et la brosse avec une grande dextérité et nous offre un style très figuratif emprunt d’humanisme. Quelque soit le sujet choisit, les visages de ses personnages renvoient toujours une belle vague de douceur.

 

Avec Vesod, la traversée de la Seine mène à l’Étoile

 

Vesod, artiste Turinois, offre certainement l’œuvre la plus complexe à décrypter dans cette ville de Chatou. Le propos paraît simple puisque située à deux pas du pont qui traverse la Seine vers Paris, on en conclut vite que cet ensemble extrêmement structuré nous amène directement Place de l’Étoile. Mais voilà, avec Vesod rien n’est simple ; l’héritage de son père –peintre surréaliste- combiné à son amour pour l’arithmétique font de ses œuvres des figures énigmatiques déconcertantes où l’espace temps est soit écrasé soit distordu.

Cet artiste qui utilise le rouleau, comme le pinceau le plus fin, nous offre des jeux géométriques, des effets miroirs bluffant, déstructure la réalité, le temps et pose très souvent une femme sereine, parfois endormie dans un style purement figuratif au centre de son œuvre. Il nous offre une vision futuriste du présent, une vision chaotique peut-être de l’avenir, avec toujours un brin d’ésotérisme qui pourrait déranger. Un artiste à l’univers complexe qui offre des œuvres époustouflantes devant lesquels on pourrait rester des heures.

 

Victor Ash célèbre la culture aux portes de la médiathèque de Chatou

 

Digne représentant du monde du Graffiti Parisien des années 80 dans cette sélection Street Art à Chatou ; Victor Ash était l’un des premiers à poser son Blaze dans les friches du Nord de Paris à Stalingrad ou encore à la Chapelle. Il signait de son nom Ash2 à côté de ses comparses JonOne, Jay1, Mode2, La Force Alphabétick,… d’ailleurs on retrouve ses premiers graffs dans l’ouvrage collector Spraycan Art d’Henry Chalfant. Je l’avoue, j’avais un peu perdu sa trace, jusqu’au jour où en 2007 son immense cosmonaute est venu léviter sur un mur de la ville de Berlin !

Son style est difficilement reconnaissable du premier coup d’œil ; en constante évolution cet artiste aime jouer avec les contrastes, éveiller l’œil du passant et est très attaché au côté démocratique de l’art de rue. Chacune de ses œuvres est en lien direct avec le lieu où elle est réalisée. C’est bien le cas à Chatou où deux de ses œuvres sont visibles à l’entrée de l’espace culturel Hal Singer. La plus directe est un portrait bleuté style Jazz du célèbre saxophoniste éponyme. L’autre un enfant aux bras chargés de livres sur les tranches desquels se dévoile le visage de Guy de Maupassant en filigrane… J’ai eu un coup de cœur pour cette œuvre car comme nous le savons tous ; la culture est la meilleure des armes qui soit !

 

Vinie Graffiti célèbre la diversité au cœur du quartier des Marolles

Il n’y avait pas meilleur choix que celui du personnage fétiche de Vinie Graffiti pour illustrer la diversité dans le quartier populaire de Chatou. Sa femme fétiche longiligne, métissée comme la société, à la fois douce, pin-up, au regard manga et définitivement à l’allure hip-Hop incarne parfaitement la mixité. Sa coiffure affro se coiffe de bubble letters propres au passé de l’artiste. On y décrypte quelques mots comme Diversité, Religions, Différents, Égalité, Force, Respect, Unité,… Tels des messages envoyés d’un nuage de douceur.

 

Vinie Graffiti, vous l’avez compris nous vient tout droit de l’univers du graffiti et surtout de la ville rose ; au fil du temps son personnage fétiche est devenu récurrent et sa coiffure exprime des valeurs, des idées humanistes ou se pare de végétation foisonnante. Vinie Graffiti n’est pas qu’une muraliste des temps modernes car elle décline avec poésie son univers en sculpture comme en 2016 lors d’une installation magique réalisée à la réserve Malakoff avec son comparse Rea One. Comme à l’époque mon petit blog n’existait pas, je fais une petite digression loin de Chatou pour vous montrer cette œuvre qui avait été mon coup de cœur de l’expo !

 

Un trompe l’œil ultra-coloré de Carlos Alberto GH sur le collège Auguste Renoir

Le développement durable et la préservation de la nature sont des thèmes chers à la Ville de Chatou. En une fresque ultra –colorée l’artiste Mexicain Carlos Alberto GH nous invite à comprendre que l’avenir de la faune et de la flore est entre nos mains. Cette magnifique réalisation anamorphique –comprendre 3D- saute aux yeux avec ses couleurs fortes et son contraste profond.

 

Cet artiste de Guadalajara est un grand spécialiste de la 3D. Amoureux de la nature il représente essentiellement des animaux avec cette caractéristique propre aux artistes Mexicains qu’est l’utilisation extrêmement poussée des couleurs. Une fois ses œuvres terminées il aime à se mettre en scène avec celle-ci créant ainsi des scènes surréalistes.

 

Lula Goce célèbre les jardins de la ville avec grande délicatesse

Lula Goce est née en terre galicienne ; mais c’est dans les hangars et sur les murs de Barcelone dans des quartiers populaires comme celui de Poblenou qu’elle a fait ses armes. Elle est passionnée de peinture classique, avec un faible pour Velazquez, Goya ou encore le Carravage et aussi de gravure avec les représentations de monstres et gargouilles que l’on retrouve dans ses œuvres. L’essentiel pour elle reste le contact avec la nature, une réminiscence de la Galice, une région où la nature est plus que préservée et parfois encore sauvage.

Dans ce portrait de femme à Chatou, il y a comme dans ses autres portraits quelque chose de très sombre et très doux à la fois. Un je ne sais quoi de très latin dans son regard perçant et de très « Santa Sangre » sur ses lèvres. La palette de couleurs de sa composition florale aussi nous ramène vers l’Espagne avec ses rouges orangés chauds. Une très belle œuvre, pleine de douceur et de poésie qui illustre parfaitement la thématique du jardin tout en délicatesse.

Le Street Art à Chatou au pays des impressionnistes vaut-il le détour ?

Sincèrement Chatou est à quelques embrasures de Paris et pour les cyclistes adeptes des bords de Seine à quelques coups de pédales ; il serait dommage de s’en priver ! Il est tout de même assez rare de voir fleurir en 8 jours autant d’œuvres d’artistes internationaux de ce niveau là. Pour qui sait apprécier les fresques géantes c’est du pur bonheur 😉 Qui plus est la ville de Chatou a mis tout ce qu’il vous faut en ligne pour vous repérer.

 

À noter que c’est la 1^ère réalisation en France de l’Association Street Art For Mankind qui lutte et récolte des fonds afin de faire cesser l’ignominie que représente le trafic et l’esclavagisme des enfants ! Cette Association Américaine travaille en lien direct avec l’ONU et la Fondation Kailash Satyathi, Prix Nobel de la Paix en 2014. J’avais déjà évoqué celle-ci dans mon interview avec le duo PichiAvo ; car ce sont 80 Street Artistes du monde entier qui collaborent avec elle afin de faire bouger les lignes ! Une raison de plus pour y aller et faire le buzz !

 

Si vous avez été particulièrement sensibles à ces œuvres ; vous devriez adorer le projet qui a été réalisé à Versailles en hommage au botaniste Bernard de Jussieu. Une occasion de découvrir d’autres artistes et tout un monde de douceurs. Et pour ceux qui s’interrogent sur le rapport entre la peinture classique et le Street Art, je vous conseille vivement la lecture de l’ouvrage réalisé avec brio par Cyrille Gouyette « Sous le Street Art, Le Louvre » ; mon livre coup de cœur !

Je vous souhaite une belle promenade Street Art à Chatou et de mon côté je rechausse mes sneakers et pars vers de nouvelles aventures que je partagerai très bientôt. Si vous avez aimé, partagez ! ça me fait toujours immensément plaisir 😉

Prenez bien soin de vous !

Séverine