Le Street Art à Porto est 100% Portugais et c’est rafraichissant !
17 avril 2023Le Street Art à Porto n’est pas l’atout majeur de la ville. On y va plutôt pour flâner dans ses ruelles pentues et escarpées, y découvrir les milliers d’azulejos qui ornent les façades des églises, visiter de magnifiques lieux à l’architecture Art déco et évidemment déguster un petit Porto (attention l’abus d’alcool est dangereux pour la santé). Mais voilà, je passais trois jours à Porto et n’ai pas pu m’empêcher d’essayer de découvrir ce que la ville pouvait nous offrir en matière d’Art Urbain, d’autant plus que la politique de celle-ci est plutôt ouverte aux graffiteurs et que depuis 2013 certaines œuvres monumentales avaient même été réalisées sur commande ! Avec une météo extrêmement capricieuse et des trombes d’eau permanentes, mes recherches se sont limitées au centre ville ! Mon plus grand étonnement a été de découvrir que dans cette jolie ville les artistes étaient quasiment tous Portugais et que personne n’avait cédé à la tentation d’avoir des grands noms internationaux de l’art urbain… Mais en fait ; des « big names » ils en ont quelques uns les Portugais et pas des moindre !
Les grands noms du Street Art Portugais offrent quelques œuvres majestueuses !
On a tellement l’habitude de voir les grands noms de l’art urbain dans toutes les villes du monde qu’on en oublie parfois d’où viennent les artistes. Et pourtant, afin de réaliser leurs œuvres, ils puisent souvent dans leur vécu et dans la culture du pays qui les a vu grandir. Aussi quand je suis tombée par hasard sur une œuvre de Vhils sur les quais du Douro, je n’étais pas étonnée de découvrir ce visage sculpté au marteau piqueur. Vhils a réalisé beaucoup d’œuvres dans son pays d’origine. Nous avons également la chance d’en avoir beaucoup en France et il fait parti de ces grands noms qui parcourent le monde.
Quelques centaines de mètres plus loin c’est le portrait d’une vieille dame, appelée Mira, qui m’interpelle. Cette fresque a été réalisée en 2019, au pochoir, par Daniel Eime et on a l’étrange sensation que cette femme est là depuis toujours dans le quartier populaire et plein de charme de la Ribeira. Gardienne des lieux, elle fait partie du paysage de Porto.
Dans une ville en complète mutation et je ne mâche pas mes mots car les travaux dont se plaignent les parisiens ne sont que détail à côté de ce qui se passe à Porto… donc dans cette ville, on a l’étrange sensation que ces visages sont les gardiens du temple… Qu’ils veillent à ce que le charme désuet de Porto ne s’évanouisse pas sous les coups des pelleteuses, bétonneuses et autres engins abominablement bruyants ! Il en est de même pour ce vieil homme qui accueille les touristes au bout du majestueux pont Dom-Luís réalisé par Théophile Seyrig, disciple d’Eiffel. Un pont aussi immense – 400 mètres de long – que vertigineux – 60 mètres de hauteur-, qui se termine par cette main réconfortante qui s’efface inexorablement avec le temps.
Frederico Draw qui a réalisé cet homme en représentation de l’hospitalité portugaise, n’est pas le plus connu des artistes portugais, mais l’actuel projet qu’il mène avec son comparse Contra, baptisé Projetruido est en train d’évoluer et de traverser les frontières.
Je décide moi aussi de traverser une frontière qu’est celle de cet immense pont… Et je dois avouer qu’avant d’arriver à Vila Nova de Gaia où se trouvent les chais restaurés de Porto, je n’en mène pas large… Le quartier n’a pas un immense intérêt si ce n’est la magique vue qu’il offre sur Porto et bien sûr une œuvre sublime de Bordalo II qui avec des déchets arrivent à reconstituer une faune sculpturale. Encore un artiste international dont on a tendance à oublier qu’il est bel et bien Portugais !
Comme mon séjour est ponctué de pluies violentes, je m’extirpe de ce côté de la rive pour rejoindre le centre ville de Porto et déambuler du côté de la plaça de Trindad, où je sais que je pourrais m’abriter lors de la prochaine intempérie. Quelle bonne idée ! Au dos de la station de métro du même nom, de grandes œuvres XXL m’accueillent !
La première sur laquelle mon regard s’arrête est une œuvre de Mr Dheo, artiste Portugais, autodidacte qui a commencé dès l’âge de 15 ans à étudier le « lettering ». Il a très vite commencé à peindre dans la rue et sa passion, conjuguée aux rencontres qu’il fait en peignant, l’a poussé à continuer son chemin sur les murs des villes du monde entier. Aujourd’hui son style pourrait s’apparenter à du photoréalisme. Il magnifie les détails comme sur ce travail avec le pourtour des lunettes ou encore le réalisme de la barbe de son personnage.
De l’autre côté de cette immense station ; c’est l’œuvre très poétique de Tamara Alves qui retient mon attention… Mon coup de cœur à Porto… Tout simplement parce que l’artiste a souhaité évoquer l’unité, la liberté et la fraternité en une étreinte pleine de douceur… Ses fleurs symbolisent notre évolution intérieure dont il faut prendre soin ensemble. Le magnolia en fleurs sur cette place apportait une touche de velours supplémentaire à ce délicat travail…
Comme je vous le disais en préambule de cet article, le Street Art à Porto est presque à 100% Portugais et la ville n’efface pas les nombreux artistes qui colorent les murs… J’ai donc eu envie de vous présenter ceux qui ont ponctué ma découverte de Porto… Graffiteurs ou artistes confirmés ; ils ont enchantés mes déambulations dans les petites rues et escaliers escarpés, et j’espère donc, que vous apprécierez de les découvrir à votre tour 😉
Nuno Costah : des personnages doux et filiformes au détour de chaque rue !
Dès mon arrivée à Porto, je n’avais qu’une seule envie, me balader dans le quartier de Ribeira le long du Douro… j’entrepris donc de descendre en direction du fleuve par des escaliers un brin dangereux, escarpés et glissant comme des savonnettes… Mes pieds étant mon principal centre d’intérêt à ce moment là ! Je prends mon souffle, lève les yeux pour voir à quel niveau j’en suis de ma descente et là mon regard se pose sur un « character » comme je les aime… Le personnage tracé d’un geste assuré me laisse entrevoir la signature de cet artiste dont j’ai déjà entendu parlé.
Tout au long de ma découverte de Porto, l’artiste Costah était là ! Quelque soit le quartier, il ne sert à rien de chercher ses œuvres puisque ce sont elles qui vous trouvent. Une petite fille, un oiseau par ci, un autre par là,… une fresque aux couleurs de l’Ukraine… Des centaines de petites et moyennes œuvres viendront attraper votre œil dans cette jolie ville.
Il paraît que Costah est considéré comme le roi du Street Art à Porto ! Je ne peux pas vraiment le vérifier, mais oui cet artiste urbain et tatoueur est très certainement un de ceux qui a le plus investit la ville et qui plus est avec des personnages souriants et des messages d’espoir… Le roi, je ne sais pas ; mais peut-être le plus sympathique ?
Des touches de graffitis « old style » dans toute la ville avec Kilosgraffiti
En sillonnant la ville, je m’attendais à découvrir le « lettering » stylisé de kilosgraffiti qui vit à Porto. Au lieu de cela, c’est la nuit que je tombe par surprise sur un « hall of fame » du rap qui me donne l’impression d’être à Brooklyn et non pas Rua de Restauraçāo à Porto ! On retrouve les portraits de Snoop Dog, 2PAC, Eminem, 50Cent, Ice Cube et Kanye West. Pour la petite histoire, le portrait de Snoop Dog a été réalisé en 2017 et la notoriété de Kilosgraffiti a traversé l’atlantique en quelques secondes lorsque le rappeur passionné de Street Art a reposté son portrait !
Que ce soit dans les ruelles escarpées, au dos des églises, ou sur des terrains de basket ; on retrouve le travail de Kilosgraffiti dans toute la ville. Des yeux qui nous scrutent ou des œuvres plus engagées ponctuent donc ma promenade. Un artiste incontournable dans sa ville !
Les visages d’un graffeur Français aux côtés des Portugais !
Lorsque j’ai découvert ces visages dans une rue escarpée, ils m’ont fait pensé au travail de Mister Achilles, un artiste Grec que j’avais découvert à Athènes. Mais chemin faisant je me suis persuadée que le graffeur devait être Portugais… Et bien non ! Il s’agit du travail d’un graffeur Français qui est venu poser sa signature dans les rues de Porto. Rebeb a peint six « pop portraits » dans les rues de la ville et je dois vous dire que c’est plutôt étonnant car à Porto les artistes étrangers sont vraiment peu nombreux. À côté du second portrait, vous pouvez découvrir une œuvre de l’artiste Hazul qui a littéralement repeint la ville !
L’artiste sans qui le Street Art à Porto n’aurait pas la même saveur : Hazul !
Sincèrement, cet artiste autodidacte a réellement repeint la ville ! Oubliés les Azuleros, les murs sont désormais parés par Hazul ! Il n’y a pas une rue qui n’accueille pas une de ses œuvres. Murs XXL, fresques géométriques en longueurs, porte d’entrées murées,… Tout est Hazul dans cette ville !
Ses formes géométriques peuvent paraître simplement décoratives, mais au fur et à mesure des découvertes on trouve dans son travail une dimension onirique et même une symbolique presque religieuse. Cet artiste a posé son propre langage sur les murs de Porto et apporte aux déambulations une dimension mystique ! Un langage et une palette de couleurs que l’on pourrait attribuer à un peuple ancestral. Si vous allez à Porto, vous reconnaîtrez ses œuvres d’un simple coup d’œil tellement son identité est forte !
Des myriades de signatures discrètes dans les rues de Porto
Étonnamment, on retrouve beaucoup d’œuvres, petites, discrètes, les signatures sont parfois redondantes… Et comme vous pouvez le constater, le Street Art à Porto est loin d’être anecdotique ! Les immeubles en fin de vie sont tous taggés au niveau des étages supérieurs ; ce qui est assez étonnant si on compare à d’autres pays comme la France, l’Espagne ou encore l’Angleterre où ce sont systématiquement les bas d’immeubles qui subissent l’assaut des tagueurs. À Porto, il faut lever la tête pour voir des Blazes !
Certaines signatures reviennent souvent, comme celle du graffeur Mesk_85 qui a participé à une fresque géante en l’honneur de Don Quichotte avec Mots & Fedor. On retrouve également le personnage un peu « homme des cavernes » de The caver, les Blazes de la Crew Pixo Not Dead,… et bien d’autres signatures que je ne peux reconnaître ! Je vous ai fait un petit pêle-mêle qui devrait vous donner une idée de tout ce que vous pouvez découvrir et bien sûr dans lequel j’ai intégré le très connu chat bleu de l’artiste Espagnol Liqen.
Le Street Art à Porto vaut-il vraiment le détour ?
Je me dois d’être sincère avec vous ! Même si le Street Art est partout dans Porto et que les graffeurs ne sont pas effacés par une mairie agacée… Ce n’est pas à proprement parler un spot de Street Art… Je ne vais pas vous conseiller de prendre un billet d’avion, ni de vous enflammer pour cette jolie destination. Le point le plus intéressant de cette ville est surtout la mise en avant des artistes locaux. Il y a comme à Vitoria Gasteiz, Athènes ou encore à Port de Bouc une authenticité dans les œuvres qui sont imprégnées de culture portugaise…
Non la ville n’a pas cédé à la facilité en faisant appel à des artistes extérieurs pour valoriser son Street Art et ça c’est réellement une bonne chose.
En fait l’art urbain dans Porto est à l’image de la ville ; charmant, désuet et il se déguste par hasard comme les magnifiques murs d’azulejos qui apparaissent par enchantement.
Sincèrement je pense qu’un ‘road trip de Lisbonne’ à Porto, si on aime le street art, est une très bonne option… Mais attention Porto change à vitesse Grand V et il est fort probable que son charme s’estompe au profit d’une certaine modernité.
Si vous avez appréciez cette petite visite de Porto, n’hésitez pas à partager avec vos amis ou sur les réseaux, cela me fait toujours plaisir 😉
De mon côté je repars vers une nouvelle aventure dans une ville que je ne connais pas ! A très vite !
Séverine