Boulevard Paris 13 : le musée du Street Art à ciel ouvert !
9 novembre 2020Je dois reconnaître qu’avec ses séries d’immeubles des années 70, le quartier n’était pas le plus convivial de Paris ; mais avec ce projet il a pris une dimension artistique inattendue ; certaines fresques, comme celle de Seth que j’ai utilisée en photo de couverture, vont jusqu’à casser les lignes architecturales et les adoucir ; ce qui confère aux rues un air plus doux et plus heureux même sous le ciel gris de Paris !
Comme à mon habitude, j’ai décidé de sélectionner 10 artistes ; car je suis certaine qu’un jour vos pas vous mèneront aussi vers ce lieu magique… Et cerise sur le gâteau, comme ce type de Street Art est très « rangé des wagons », je vous ai dégotté une petite rue haute en couleurs pour finir cette nouvelle découverte Street Art en beauté !
L’hommage à la France réalisé par Shepard Fairey alias Obeygiant
Je ne suis pas certaine que de vous présenter Shepard Fairey, artiste Américain mondialement reconnu, soit d’une grande utilité… Pour rappel, il est l’artiste qui avait réalisé l’affiche « HOPE » de la campagne d’Obama en 2008. Et ce n’est pas par hasard si j’ai décidé de commencer cette promenade au cœur du musée du Street Art Parisien par cette emblématique affiche qu’il avait réalisée en réaction aux attentats du 13 Novembre. Si l’actualité avait été différente ; j’aurai certainement présenté une autre de ses œuvres que l’on retrouve dans ce musée à ciel ouvert. Mais là je suis restée saisie car avec cette œuvre il avait voulu rendre hommage à l’unité dont les Français avaient fait preuve dans cette abominable épreuve… Quelques années plus tard, ce visage de Marianne issu d’un autre travail de Shepard Fairey « Make Art Not War », nous ramène à une triste réalité ! Alors même confinés, restons unis 😉
Le chat du quartier par Christian Guémy alias C215
Comme j’ai déjà consacré deux articles à cet incroyable pochoiriste Français, je pense que si vous suivez le blog, vous commencez à connaître son travail… Sinon vous pourrez surfer un peu plus tard pour découvrir ses galeries de portraits historiques ! J’aurais pu choisir pour illustrer cet article d’autres œuvres plus saisissantes de l’artiste que l’on trouve dans le quartier… Mais non, car à chaque fois que je vois ce chat mon esprit ne peut s’empêcher de penser à une certaine œuvre de Tennessee Williams. Pour d’autres il est devenu le lieu de rendez-vous du quartier… Au lieu de se retrouver à la station de Métro, on se retrouve au chat bleu. En fait on a l’étrange sensation que ce chat a toujours été là, il fait désormais partie intégrante de l’identité du quartier.
L’enfant regardant au-delà du Vortex par Seth
Seth est un artiste Français dont le style est reconnaissable au premier coup d’œil. La sensibilité de son travail ne nous laisse jamais insensible et il provoque, avec une facilité déconcertante, notre imaginaire et notre âme d’enfant avec chacune de ses œuvres. Cet artiste voyageur a très certainement réalisé dans ce musée du Street Art à ciel ouvert à Paris l’œuvre qui a été la plus diffusée de part le monde.
Cette œuvre est tout simplement hypnotique ! Elle casse les lignes de l’architecture anguleuse de la rue, crée une atmosphère magique et nous embarque nous aussi au-delà du Vortex. Très sincèrement le Boulevard Paris 13 n’aurait pas la même saveur sans cette œuvre.
Avec INVOLVENTE Add Fuel et ses azulejos font un clin d’œil à la communauté portugaise.
Si vous voyez un jour, quelque part dans le monde, un mur peint recouvert de motifs d’azulejos, ces précieux carreaux de faïence Portugais ; vous pouvez être certain que l’artiste Portugais Add Fuel est passé par là ! Il revisite les éléments décoratifs géométriques de ces carreaux et les dispose à la manière d’un affichiste nourrit de pop’art. Il joue avec des répétitions symétriques, l’accumulation de couches et les techniques d’illusion visuelle propre au trompe-l’œil afin de créer un équilibre harmonieux. Il a réalisé plusieurs façades dans le quartier, celle que j’ai choisi de vous montrer est la plus vertigineuse. Ce travail est pour lui un lien fort avec l’importante communauté portugaise présente à Paris. Comme j’ai ressenti un je-ne-sais quoi de Lisbonne en passant devant, je suis certaine que cette œuvre ne passera pas inaperçue aux yeux de cette communauté.
La Pin up bleue et glamour de D*Face
D*Face est très certainement l’artiste Anglais le plus pop’art de sa génération, ses modèles féminins inspirés du glamour Hollywoodien ou encore des comics sont toujours ultra-féminins. Cette œuvre a ceci de particulier qu’il s’agissait d’une toile qui a aussi servi de couverture pour sa dernière monographie. Je ne sais si ses essais sur le bleu sont réellement comme il l’a cité lui-même sa période bleue – référence à Picasso- ou juste un essai pour lisser une palette d’habitude plus multi-couleurs que celle de cette réalisation.
J’ai surtout choisi de vous montrer cette œuvre puisqu’elle a connut un détracteur notoire; l’architecte Gilles Béguin qui avait construit 9 de ces immenses immeubles dans les années 70. Cet architecte qui s’est senti « agressé par le Street Art » a réalisé un bras de fer en justice et obtenu gain de cause en Mai 2019 pour qu’il n’y ait pas de nouvelle fresque sur ses bâtiments. Cet ilot d’immeubles construit en lieu et place de l’ancienne usine de sucre Beghin Say comporte des murs pignons blancs reprenant le format des sucres. Sacrilège pour cet architecte que de peindre sur ses morceaux de sucres si précieux à son égo… Toujours est-il que le développement de ce musée du Street Art à ciel ouvert n’est pas un long fleuve tranquille.
L’incroyable jungle urbaine de DALeast
Malheureusement ma photo ne rend pas hommage à la technique saisissante de cet artiste Chinois désormais installé au Cap… Manque de recul, ciel gris,… Néanmoins on peut tout de même ressentir la force et le mouvement de ces animaux sauvages. Il fait partie de ces artistes de Street Art qui construisent un fabuleux bestiaire sur les murs de nos villes. Sa technique 3D est impressionnante. À force de scruter l’image on a la sensation que ses animaux sont des sculptures métalliques qui se détachent du fond existant. J’ai eu la chance de le voir travailler à SoHo – NYC et ma surprise a été immense quand je me suis rendue compte que l’intégralité de son travail était réalisé à l’aérosol. Un artiste à suivre dont on peut voir deux autres œuvres magnifiques à Saint-Nazaire et à Lyon.
Puissante œuvre : Etreinte et lutte par Conor Harrington
Plus je découvre le travail de cet artiste Anglais, plus je suis saisie par la force qu’il s’en dégage. Il s’inspire de la peinture classique et plus particulièrement des maîtres de l’expressionisme et y apporte sa touche baroque, avec une prédominance notoire pour les hommes en costumes de guerre d’une autre époque. Connor Harrington aime à casser les codes du machisme ; ce qu’il essaye de faire ressortir de ses œuvres est un « faux sentiment de puissance ». Il aime « les contrastes, les oppositions, le brut, le raffiné ». Cette œuvre magistrale donne à ce musée du Street Art à ciel ouvert une toute autre dimension. Je vous conseille vivement de visiter son Instagram ; vous y découvrirez des œuvres saisissantes !
Une représentation laïque de la Madone par INTI Castro
Avec sa Madre Secular 2, INTI, artiste Chilien nous emmène sur ses terres originelles. On ressent dans son travail la forte référence à l’Amérique du Sud et sa signature avec ses couleurs fétiches que sont le jaune et le violet. Le jaune pour la lumière, le doré ; d’ailleurs son nom INTI signifie « soleil » en langue quechua. Et le violet en référence au sacré et à la teinte portée par le clergé catholique. Si vous vous attardez sur les détails vous verrez que dans cette œuvre tout est délicatesse ; sans parler de la sensation de douceur que dégagent les fines mains de cette Madone ; une particularité que l’on retrouve dans beaucoup d’œuvres de cet artiste.
Lors de sa réalisation, cette Madone laïque, a beaucoup choqué les passants à cause de son voile, de la pomme de Newton dans sa main, des petites têtes de morts entourant son cou,… Aujourd’hui elle est plutôt vue comme une protectrice qui veille sur le quartier.
Le visage buriné d’Alexandre Farto alias Vhils
Le moins que l’on puisse dire est que cet artiste Portugais n’est pas conventionnel côté technique ! Ses outils de prédilections sont le burin, le marteau piqueur, l’acide et même parfois les explosifs… Il ne vient pas rajouter sa couche de peinture sur un mur existant, mais soustraire de la matière avec les outils d’un ouvrier du bâtiment. Le paradoxe de son travail qui paraît tout en force est la douceur des expressions qu’il arrive à révéler avec des outils au demeurant plutôt grossiers. En jouant avec les sous-couches qu’il découvre sous le support, ses œuvres gagnent en profondeur. De quoi être subjugué à chaque nouvelle œuvre… Comme je sais qu’il y a beaucoup de personnes passionnées par son travail, je vous signale au passage que deux autres œuvres de Vhils sont visibles dans le 18ème arrondissement 😉
Le diptyque au pochoir du couple Jana & Js
C’est la 1ère fois que ce couple d’artistes Français réalisait un mur aussi grand ! Il leur a fallut plus de 80 pochoirs de 2 mètres X 2 pour arriver au bout de cette œuvre diptyque. Comme vous l’aurez compris ils sont passionnés de photographie argentique, cette œuvre est un hommage aux photographes et également un double autoportrait par la même occasion.
Si je l’ai sélectionnée c’est tout simplement parce qu’elle me fait aussi penser à mes promenades Street Art et à la façon dont petit à petit j’essaye d’améliorer les photographies des œuvres que je vous fais découvrir sur le blog 😉
Des dizaines d’œuvres à découvrir en marge de ce musée du Street Art à ciel ouvert
L’avantage avec le 13ème arrondissement de Paris est qu’il fourmille d’œuvres en tous ses recoins ! Je ne vais pas vous parler du micro-quartier de la butte aux cailles ; car il mérite un article à lui tout seul ; mais juste de toutes ces œuvres qui jalonnent le parcours et vous régaleront entre deux fresques murales géantes… Si jamais vous y allez n’hésitez pas à prendre les rues perpendiculaires au Boulevard Vincent Auriol ou encore à l’avenue de Choisy ; vous y découvrirez des pépites réalisées par des artistes tels que Christian Guémy, Pimax, Invader, Cranio Artes, Doudou Style, Meton Joffily, Le long… ou encore l’œuvre de l’artiste Ethos qui disparaît petit à petit sous les graffitis.
Cerise sur le gâteau pour les amateurs de graffitis
La rue Dieudonné Coste est incontournable dans le paysage artistique urbain de cet arrondissement. Les amateurs de graffitis, de beaux blazes et de calligraphies travaillées vont pouvoir s’en donner à cœur joie. On y retrouve un hommage monumental au personnage Cheech Wizard créé par Vaughn Bodé, grand gourou du comics underground décédé en 1975. Et les blazes des grands du graffiti Parisien ; tels TAKT, HOBZ, ZEKI, SPEK, BROK, FYRZÉ,… Et même si vous n’êtes pas grand fan de graffitis ; cette rue vaut vraiment le détour !
Un très beau coffret fraîchement sorti chez Albin Michel immortalise ce musée du Street Art à ciel ouvert !
Comme j’ai décidé d’ouvrir sur le blog une petite rubrique complémentaire avec des critiques d’ouvrages dédiés au Street Art ; je ne vais pas vous cacher que j’ai déjà commandé mon exemplaire de « Boulevard Paris 13 » et que je ne manquerai pas de vous en faire la critique dans un prochain article. A première vue les photos sont magnifiques et bien sûr les moyens techniques pour les prendre bien supérieurs aux miens ! Comme Noël approche, il me semble être un très beau cadeau à offrir si vous connaissez des amoureux du Street Art… Si vous ne voulez pas attendre ma critique, je vous informe donc, qu’il est « en commande » dans toutes les bonnes librairies, en vente sur la boutique en ligne de la galerie Itinerrance et sur Amazon pour les plus pressés !
Comment vous rendre jusqu’au Boulevard Paris 13 ?
Rien de plus simple ! Ne prenez pas un Tour Street Art pour visiter ce musée à ciel ouvert ! Il vous suffit tout simplement de sortir à la station de métro Nationale sur la ligne 6. Avant de sortir du métro ; je vous conseille tout de même de rester sur le quai car la vue que vous aurez sur certaines œuvres est juste dingue. Peut-être l’un des meilleurs points de vue pour prendre de belles photos ! Ensuite vous pouvez vous guider en toute simplicité avec la carte mise en ligne gratuitement sur le site de Boulevard Paris 13. Petit conseil supplémentaire : portez de bonnes chaussures de marche !
J’espère que cette nouvelle promenade vous aura plu et qu’elle vous aura changé les idées quelques minutes pendant le confinement ! Si vous adorez les œuvres monumentales, je vous conseille d’aller faire un tour du côté du Bushwick Collective à Brooklyn ou encore dans le centre de Manhattan ! Et bien sûr plus prêt de chez nous ; à Boulogne-sur-mer où depuis quelques années un autre musée du Street Art à ciel ouvert a vu le jour… Et il est exceptionnel !
De mon côté, malgré le confinement, je vais vous concocter quelques articles promenades que je n’ai pas encore eu le temps d’écrire et des critiques de livres pour les plus mordus d’entre-vous !
A très bientôt pour de nouvelles aventures Street Art
Séverine
Belle visite ! Merci pour les Vaughn Bodé !
merci Richard ! J’avoue que les Vaughn Bodé ont été la vraie cerise sur le gateau… Si j’en trouve d’autres dans Paris ou ailleurs; je lui consacrerai certainement un article 😉