Graffitis et Street Art à Ibiza : une histoire qui s’affirme !
22 novembre 2022Franchement le Street Art à Ibiza n’est pas inscrit dans l’ADN de l’île. Lors de mes 1ères vacances, on pouvait juste découvrir quelques logos « PEACE » taggés sur les murs. On venait à Ibiza pour la nature préservée au Nord de l’île, ses somptueux champs d’amandiers plantés dans une terre ocre, admirer un coucher de soleil au rythme des percutions à Cala Benirrás, profiter des charmantes petites criques sauvages que l’île a à offrir. Pendant ce temps au Sud Est de l’île, les clubbers du monde entier se massaient dans les boites de nuit les plus folles au son des DJ internationaux. Et au Sud Ouest, le tourisme « low cost » détruisait petit à petit la plus belle baie de l’île, celle de San Antonio. Une terre pleine de contrastes et de contradictions, où il fait bon flâner et profiter de la douceur du climat. Rien de très artistique au programme ; mais voilà que certains lieux abandonnés et isolés ont commencé à faire de l’œil au graffeurs locaux et Barcelonais. Et puis il y a 12 années naissait le Bloop Festival avec comme Mojo « Art is for everybody » qui allait petit à petit colorer les murs d’Ibiza avec des œuvres XXL d’artistes de renoms. Lors de mon dernier passage sur l’île, j’ai décidé de faire un petit état des lieux de la scène Street Art à Ibiza et je dois vous l’avouer ; elle est beaucoup plus développée que je ne l’aurais pensé.
Le Festival Club : un club abandonné aussi éphémère qu’iconique !
Le Festival Club est le 1er club monumental qui a vu le jour à Ibiza en 1972 ! Un immense amphithéâtre imbriqué de plus petits amphithéâtres. Un lieu surdimensionné niché au cœur de la foret de Sant Josep de sa Talaia. Un lieu où des milliers de clubbers fantaisistes ont festoyé pendant deux années. Aussi grandiose qu’éphémère le Festival Club a fermé ses portes en 1974 impacté directement par le choc pétrolier de 73 qui a fait disparaître la faune estivale de l’île. Le lieu faute de moyen ne ré-ouvrira jamais et deviendra un spot idéal dans les années 80 et 90 pour les raves illégales… Les graffeurs commenceront d’ailleurs à investir celui-ci dans les années 90.
Chaotique, comme tout lieu abandonné ; il ne reste de sa splendeur que la typographie utilisée pour son nom gravée dans la pierre qui me fait immédiatement penser au film La Party de Blake Edwards. Les visages déchirés d’un graffeur Barcelonais rendent le lieu flippant et le chaos entre Blazes, tags et œuvres étranges est à son apogée !
Il n’en reste pas moins, qu’au détour d’un mur éboulé, de jolies surprises sont à découvrir ! Etonnamment je reconnais quelques signatures et commence à comprendre que le Festival Club est aussi devenu un terrain de jeu pour les artistes étrangers de passage sur l’île. Le Français Rise Up y a réalisé un magnifique lion et on retrouve également les caractères très fun de OX-Alien, un artiste de Rotterdam.
Le Festival Club n’est pas représentatif de ce qu’est le Street Art à Ibiza ; mais avec ses œuvres structurées, ses graffitis qui claquent, ses représentations ésotériques et autres fantaisies, il représente bien le vent de liberté qui souffle sur l’île depuis de nombreuses années. Le lieu est accessible sans aucun problème et la route un peu terreuse pour y accéder n’est en rien dangereuse. Cerise sur le gâteau ; vous tomberez certainement nez à nez avec un graffeur qui contribue à cette œuvre monumentale qu’est désormais le Festival Club !
Cala d’en Serra : Le street art à Ibiza avec une vue mer imprenable !
De la mer à la montagne ; en passant du Sud au Nord de l’île on change totalement d’atmosphère ! La Cala d’En Serra est un lieu étonnant, un bijou de micro plage coincé entre des falaises aux roches chaleureusement ocre. En surplomb les vestiges d’un hôtel qui n’a jamais vu le jour ! Et pourtant l’architecte à l’origine de cet hôtel n’était autre que le célébrissime Josep Lluís Sert à qui l’on doit la Fondation Miró à Barcelone ou encore la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence. Reconnu pour être un important architecte moderniste, disciple de Le Corbusier, Josep Lluís Sert débute en 1970 les travaux de cet hôtel avec pour objectif des chambres cubiques plongeant sur un horizon azur ! Mais voilà il s’oppose au fascisme du régime de Franco et Franco le lui rend bien en bloquant la construction de l’hôtel ! Le projet est sans cesse repoussé et est définitivement abandonné en 1983 à sa mort. Il reste sur deux, à trois étages par endroit, des structures cubiques en plein éboulement. Le lieu est en phase d’autodestruction et les graffeurs s’y pressent avant qu’il ne s’effondre sur lui-même !
Certaines œuvres ont une vue vertigineuse sur la mer méditerranée. Mais malgré le cadre idyllique ; l’ambiance du lieu est réellement très particulière voire fantomatique. Ici au milieu des tags et graffitis on retrouve de nombreux visages. Tellement de visages qu’on a l’étrange sensation d’être scruté par les ombres d’un passé sombre. Les planchers en parpaings sont fragiles sous les pieds et la vase accumulée au rez-de-chaussée ne sèche pas malgré la sécheresse et la chaleur accablante. Une atmosphère presque glauque qui pourrait faire froid dans le dos !
Dans cet endroit, potentiellement dangereux, on retrouve le caractère blond de Rubio, des œuvres ésotériques et toute sorte de blazes ! Le lieu est impressionnant de par sa situation magique contrastant avec l’état de santé dans lequel il se trouve. Si vous souhaitez vous y aventurer. Je vous conseille vivement de ne pas descendre en voiture tout en bas du chemin de terre ; celui-ci a été raviné par la pluie et s’avère plutôt dangereux. Arrêtez-vous en haut et continuez à pied équipés de bonnes chaussures ; et surtout faites très attention, se balader dans les étages s’avère réellement périlleux !
Avec le Bloop Festival, le Street Art à Ibiza change de braquet et devient XXL !
Le Bloop festival a été créé en 2011, et même si je suis allée un certain nombre de fois à Ibiza depuis cette date ; je n’avais aucune idée du nombre d’œuvres créées sur l’île. Tout simplement parce qu’elles sont localisées dans des spots qui débordent de touristes, tout ce que j’évite lorsque je m’y rends. Avec son Mojo « Art is for everybody » le Bloop s’est engagé en faveur d’un art totalement libre, ouvert, inclusif et non censuré, proactif au sens le plus large. J’ai donc décidé de m’y intéresser de plus près et me suis rendue en premier lieu à San Antonio ; une baie réellement ravagée par un tourisme « low cost » et une ville désormais assez triste car fortement impactée par le Covid. Le nombre de boutiques fermées est impressionnant. Je vous avoue que même si le Bloop dispose d’un site internet avec quelques adresses des œuvres et d’un App; il n’est pas toujours très facile de s’y retrouver !
Dès la découverte des premières œuvres, j’enregistre la dimension internationale du festival ! L’artiste Espagnol Okuda côtoie sur un parking nauséabond une œuvre du Belge Bisser. Vous l’avez déjà compris entre les lignes, la balade dans San Antonio n’est pas nécessairement une partie de plaisir, la ville paraît comme abandonnée et peu entretenue. Mais la curiosité me pousse à continuer… Et ce vilain défaut paye puisqu’un peu plus loin je tombe sur une œuvre d’Inti, quelque peu délavée mais pleine de charme. La balade porte ses fruits et c’est une succession d’œuvres murales d’artistes internationaux qui s’offre à mes yeux ! Je reconnais d’un coup d’œil les œuvres de Waone Interesni Kazki artiste ukrainien et de Phlegme, artiste Galois, qui sont à quelques mètres les unes des autres.
Plus je déambule dans les rues de San Antonio, plus je trouve que l’ambiance ressemble au quartier d’Athènes dans lequel j’étais partie à la chasse au Street Art. En fait les œuvres ne s’imposent pas ; elles se glissent dans un paysage désuet sans heurter le regard. Même le clinquant « Make Your Voice Heard » de l’artiste Ben Eine paraît avoir être la depuis toujours, figé dans le temps. Alors lorsque je tombe sur une œuvre d’INO, l’artiste Grecque qui a refaçonné l’image du Street Art à Athènes je ne suis pas étonnée.
Il y a tout de même un climat étrange dans cette ville ; je cherche des œuvres que je ne trouve pas… censurées me dit-on ! Je retrouve une micro-partie d’une œuvre repassée avec du blanc… Presque pas de tags… il ne semble pas que l’art urbain soit si bienvenue que cela ! J’apprends après quelques recherches que l’artiste anglais David Speed a même été arrêté par la police et c’est le patron du café Melbourne Street de San Antonio qui lui a offert de poser son œuvre chez lui en toute légalité !
Il semble donc que le Bloop festival réussisse dans l’adversité à poser sa pate et construire son musée à ciel ouvert de façon progressive sans faire trop de bruit. En continuant à parcourir l’île on retrouve une œuvre d’INO dans la ville d’Eivissa et nombreuses œuvres de Spaik –Cf. photo en début d’article) sur la plage des clubbers, Playa d’en Bossa. Le petit plus serait tout de même que l’équipe du Bloop mette à disposition des amoureux de l’art urbain une petite carte interactive des œuvres toujours visibles 😉
Alors plage ou Street Art ?
Sincèrement si vous aimez l’art urbain, l’aventure et les graffitis ; Ibiza vous offrira cette facette que vous n’avez même pas imaginé… En plus des plages magnifiques, des soirées hippies ou technos, des paysages sauvages ; Ibiza offre désormais un nouvel attrait touristique. Certes le Bloop Festival y est pour beaucoup ; mais des lieux comme le Festival Club ou encore la Cala d’en Serra sauront séduire les amoureux du graffiti ! Honnêtement ces lieux ne me font penser à aucun autre. Et le Street Art à Ibiza est tout aussi particulier que cette île bien singulière. Je suis impressionnée par cette nouvelle identité de l’île qui a su m’interpeller jusqu’à en faire un article !
Je vous laisse avec une vidéo que j’ai faite à la Cala d’en Serra, qui si vous décidez d’y aller, vous montrera l’état du bâtiment et du danger encouru !
Allez je repars vers de nouvelles aventures Street Art et bien entendu, si vous avez aimé, partagez !
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À très bientôt !
Séverine